La conférence “Changements climatiques : d’où venons-nous, où allons-nous ?” s’est tenue le 19 novembre 2015 à l’ULB, présidée par le Professeur Edwin Zaccai (IGEAT/CEDD – ULB) avec la participation de Céline Fremault (CdH), ministre régional bruxelloise de l’Environnement, de l’Énergie et du Logement, Yvan Mayeur, membre du Parti Socialiste, Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Evelyne Huytebroeck, membre du Parti Ecolo, Etienne Hannon, conseiller pour la politique climatique au sein du service fédéral, Stefan Aykut, Territoires et Sociétés (LATTS)

La COP aujourd’hui

2015-11-19_igeat.jpg« La COP sera-t-elle à la hauteur des enjeux ? » questionne Etienne Hannon. Le nombre de participants -196 États dont 117 chefs d’États, 10.000 délégués et 20.000 observateurs- n’est pas un gage de réussite. Chaque pays ou chaque groupe de pays viendra avec leurs propres préoccupations, sécurité pour certains, commerce pour d’autres, stabilité sociale pour d’autres encore…
Trois objectifs doivent être atteints : l’ambition pour réussir à rester sous les 2 degrés, l’équité pour tenir compte des différences entre les parties et la solidarité pour financer réduction des gaz à effet de serre (GES), adaptation, pertes et dommages.
 
L’ambition est loin d’être atteinte quand au 20 novembre, avec 90% des pays ayant formulé leurs engagements, la hausse des températures prévues se rapproche de 3° ! Au rythme d’extraction d’aujourd’hui, rester sous 2° impose de ne plus exploiter une goutte de pétrole dans 20 ans. Une mise en œuvre ambitieuse passe par un système de contrôle transparent associant monitoring, reporting et vérification. Elle passe par un système évolutif qui oblige à aller plus loin une fois les engagements atteints puisque ceux-ci sont insuffisants.
 
L’équité implique de tenir compte de degrés de responsabilité entre pays émetteurs de GES, y compris des responsabilités passés et de tenir compte de leur capacités financières, technologiques… à agir.
 
Être solidaire demande un calendrier de financement des mesures prises pour réduire les émissions de GES et pour aider les zones les plus touchés à s’adapter aux changements climatiques. Cela demande aussi la mise en place de mécanismes couvrant les pertes et préjudices subis comme cela sera le cas pour les zones côtières qui seront sous les eaux.
 
Céline Frémault note l’importance des mobilisations citoyennes face à l’urgence climatique. Elle constate l’effet désastreux de l’absence d’accord politique concernant le climat entre les Régions, les Communautés et le Fédéral, accord qui doit porter sur le financement, la répartition de la réduction des émissions, la répartition des revenus liés au quotas de CO2 et de l’effort en ce qui concerne le renouvelable. A l’échelle de la Région, c’est le bâtiment qui est le principal émetteur (70%). Le plan Air Climat Énergie prévoit une réduction de 30% pour 2020 en s’appuyant sur la rénovation de l’habitat, l’économie circulaire, la promotion de produit durable…

Bref historique

« Nous gouvernons le climat et nous n’arrivons pas à nous gouverner nous même ! » constate Stefan Aykut. Entre 1992 et 2001, les pays dit développés s’impliquent : Rio 92, Kyoto 97. C’est la 1ere phase optimiste stoppée par la première guerre d’Irak, où l’enjeu du pétrole est omniprésent et où « the american way of life is not negotiable ». La deuxième phase de 2002 à 2009 voit le protocole de Kyoto entré en vigueur sans les USA. C’est l’apparition des pays émergents sur la scène internationale et le début de la crise financière internationale. On choisit de réguler « en fin de tuyau » et non les causes du problème. On subordonne la question environnementale au bon fonctionnement du commerce internationale. On impose un seul cadre de régulation dans un monde de plus en plus multiforme. Le décalage entre la vitesse des négociations et les mesures à prendre va croissant. Les financements continuent d’abreuver les énergies fossiles tandis que quelques miettes sont consacrées aux renouvelables.
 
La troisième phase commence avec l’échec de Copenhague en 2009 qui permet cependant de fixer les limites de la casse à 2°. L’année suivante à Cancun, les États insulaires sauvent le processus (mais pas le climat) aboutissant aujourd’hui à impliquer tous les pays de la planète. Cette implication reste soumise à la souveraineté de chaque État qui peuvent choisir des objectifs et des modalités de mises en œuvre très diverses (et donc difficile à comparer) qui n’iront pas à l’encontre de leurs intérêts.
En l’absence de cadre juridique contraignant en matière de droit international de l’environnement, il est indispensable de travailler à toutes les échelles, sur tous les territoires, dans tous les domaines pour changer nos modes de vie énergivores.

Bruxelles, l’UE et la COP

Yvan Mayeur développe ce qui peut être fait à l’échelle d’une commune comme Bruxelles, en tenant compte à la fois de l’accroissement de la population et de l’imbrication de plus en plus forte, au moins en Belgique entre le rural et l’urbain, avec deux conséquences importantes en terme de GES : la consommation énergétique des bâtiments et la congestion automobile. La politique de la ville doit alors répondre à ses enjeux en proposant une croissance économique et sociale dé-carbonée et qui corrige en même temps les inégalités sociales.
Concrètement la réglementation impose la construction au norme passive dans le neuf, plusieurs milliers de m2 sont ou seront dotés de photovoltaïque, l’emprise automobile continuera d’être réduite et les transports en commun favorisés, l’accent sera mis sur la piétonisation et la verdurisation. La COP 21 sera aussi l’occasion de rassembler 1000 villes qui s’engageront pour lutter contre le réchauffement climatique.
 
Evelyne Huytebroeck met le doigt sur les contradictions au sein de l’Union européenne qui l’empêche d’avoir une politique ambitieuse : la présence de pays qui freinent au sein du Conseil européen, le contrôle par les Premiers ministres ou les ministres du budget sur leur ministre de l’environnement, la volonté plus ou moins affirmée du Commissaire en charge des questions climatiques, le rôle du pays qui préside le Conseil (aujourd’hui le Luxembourg avec une ministre de l’environnement verte), les jeux d’alliance de chacun des pays du fait des liens privilégiés qu’il développe ailleurs (la France en Afrique, l’Espagne en Amérique latine…). La réussite de la COP 21 passera par la mise en place d’outils quantifiables et transparents de mesure des émissions de GES et par une fiscalité adaptée en particulier sur les transports aériens et maritimes, une fiscalité qui internalise les coûts environnementaux externalisés par les délocalisations. Dans le cadre d’une approche globale, du local à l’échelle européenne, la question climatique ne peut être déconnectée des négociations commerciales, de l’importance du maintien des services publiques, de la lutte contre les inégalités, des mouvements migratoires liés au réchauffement climatique…