Diane Delava, déléguée DD du Conseil de la Jeunesse était à New-York pour le High Level Political Forum (HLPF) sur la poursuite des Objectifs de Développement Durable (ODD) dans le cadre de l’Agenda 2030 de l’ONU. Echo de son expérience de ces deux semaines trépidantes du HLPF et de son analyse des enjeux.

Assoc 21 : Diane, peux-tu nous expliquer ce qu’est le HLPF ?

Diane : c’est un forum qui a lieu chaque été au siège de l’ONU à New-York : durant la première semaine, tous les états membres échangent et se mettent à niveau à propos de la poursuite des 17 ODD. Le thème de cette année était La transformation vers des sociétés durables et résilientes. Et les ODD prioritaires en 2018 sont les ODD 6 (eau), 7 (énergie), 11 (villes et communautés durables), 12 (consommation et production responsables), 15 (vie terrestre) et l’ODD 17 (partenariats pour la poursuite des ODD) qui est prioritaire chaque année. Dans ce cadre, le 13 juillet 2018, j’ai pris la parole depuis la chaise belge, pour indiquer « comment inclure plus de jeunes ».

Durant la 2ème semaine, les pays qui ont préparé un rapport national volontaire le présentent. En 2018 il y en avait 46 (ndlr : la Belgique a présenté sa voluntary national review en 2017). Il y a souvent moins de temps pour les questions que pour la présentation. Or ceux qui posent les questions ont déjà lu celle-ci, donc les questions mériteraient plus de temps.

Assoc 21 : quelle impression retiens-tu de ta participation au HLPF ?

Diane : c’est très beau de voir tous les pays s’asseoir les uns à côté des autres pour parler d’un thème utile et cher aux jeunes aujourd’hui. Mais avec un peu de recul, on se rend compte que les discours restent très généraux. Ce processus ne suffira pas à atteindre les ODD d’ici 2030 (NDLR : même Marie Chatardová, présidente de l’Ecosoc en convient, comme le rapporte l’European Environmental Bureau).

Assoc 21 : quel est le rôle des jeunes délégués ?

Diane : le but des jeunes délégués est de collaborer avec les jeunes délégués des autres pays, pour rencontrer des personnes influentes afin que les jeunes soient plus intégrés au processus. Ce faisant, nous découvrons le HLPF et sommes impliqués dans l’organisation de « side events ». Pour ma part, j’ai contribué aux side events sur les sujets suivants :

  • L’économie circulaire et les jeunes
  • La mobilité urbaine durable.

Assoc 21 : avez-vous pu rencontrer des personnes influentes ?

Diane : oui, notamment Amina Mohamed (photo), députée secrétaire générale de l’ONU (collaboratrice d’António Guterres, l’actuel secrétaire général). Cette femme est très inspirante et encourage les jeunes à bousculer l’ONU pour que ça change. Nous avons aussi rencontré Amil Jamed, de UN environment, qui nous a parlé de l’UNEA (United Nations Environment Assembly) au Kenya en mars 2019, où les jeunes devraient s’organiser pour être entendus. Nous avons échangé avec Isabelle Durant, députée secrétaire générale de l’UNCTAD (UN conference on trade & development). L’UNCTAD fait entre autres des analyses de marché dans les pays en développement pour voir quels produits ont un avantage compétitif et y développer des marchés, en soutenant la transformation (ex café). Isabelle Durant propose que les jeunes négocient pour qu’un.e jeune puisse suivre un.e dirigeant.e dans toutes ses réunions. Car le résultat d’une négociation dépend de toutes les étapes qui permettent d’instaurer la confiance. Ce serait une sorte de stage, très instructif.

Assoc 21 : le HLPF pourrait-il évoluer ?

Diane : oui. En septembre 2019, l’AG de l’ONU procédera à une réforme du HLPF. Cette réforme est prévue tous les 4 ans (les autres années, le HLPF est organisé en juillet par l’Ecosoc). C’est l’occasion de revendiquer un « HLPF idéal » : avec par exemple un mécanisme de révision pour chaque pays tous les 4 ans ½ comme c’est le cas pour les droits humains : un rapportage obligatoire donc, révisé par les pairs, avec des objectifs à atteindre. Avec mes amis délégués Allemands, nous avons déjà proposé cette modification à certaines personnes et délégations, et avons recueilli diverses réactions. L’étape suivante :convaincre les 10 délégations jeunes européennes d’adresser un document commun en ce sens à nos gouvernements. Autant mettre la barre haut, avant toute négociation (lire aussi ces propositions d’autres parties prenantes de la société civile).

Assoc 21 : vous pourriez aussi convaincre les coalitions d’ONG et de syndicats de soutenir cette démarche. En Belgique, vous n’aurez pas de peine à convaincre les membres de Perspective 2030.

Diane : excellente idée ! L’année qui vient est donc déterminante non seulement pour les différentes élections prévues en Belgique et en Europe, mais aussi pour cette réforme du HLPF qui n’aura lieu que trois fois d’ici 2030. Autant y être bien préparés. C’est pourquoi j’ai proposé au Conseil de la Jeunesse que dorénavant, les délégués jeunes se rendent deux années de suite au HLPF : en septembre 2019, il sera particulièrement important d’avoir un.e délégué.e expérimenté.e pour pousser une telle révision dans toutes les réunions. On pourrait imaginer que le tandem des délégué.e.s belges (francophone + néerlandophone) comprenne chaque année un.e délégué.e senior (présent à NY pour la 2ème fois) et un.e délégué.e junior, en alternance FR/NL. D’autres pays procèdent de la sorte, cela facilite les liens, les mandats sont plus efficaces.

Assoc 21 : quels ont été pour toi les moments forts du HLPF 2018?

Diane : outre le discours que j’ai prononcé en tant que déléguée des jeunes Belges, j’ai modéré l’événement sur la mobilité durable, où il y avait beaucoup de monde, y compris des ambassadeurs et le chef de l’UNDP. A l’événement sur l’économie circulaire par contre, il n’y avait presque que des jeunes dans la salle. C’était une séance très interactive et le résultat fut positif mais à refaire, on viserait un public plus mixte. Par contre, lors d’une conférence sur les générations futures, il n’y avait aucun jeune dans le panel. Nous avons interpellé l’organisateur à ce propos. Enfin, j’ai été sidérée par le rapport national volontaire de l’Arabie Saoudite : ils se vantent de bien intégrer les femmes ! Pour l’instant, le HLPF c’est un « concours de beauté » : chaque pays présente ses réussites. Ce devrait être un véritable examen !

Assoc 21 : n’y a-t-il aucune voix discordante, dans ce ron-ron ?

Diane : si, certains orateurs parviennent à dépasser le politiquement correct. Ainsi, la Palestine, en présentant son rapport, a directement visé les USA : parlant du principe de « ne laisser personne de côté », les USA ne sont pas encore au point car les délégués Palestiniens ont eu des difficultés pour obtenir leurs visas. La représentante des USA a réagi vivement, puis a quitté la pièce !

Il faut noter que le HLPF est un des forums onusiens les plus ouverts aux représentants de la société civile. Le modérateur du débat décide qui intervient et peut donner la parole à une ONG même si tous les pays n’ont pas encore parlé. Malheureusement, seuls 10 pays ont des délégués jeunes…

Assoc 21 : à présent, quels sont tes projets ?

Diane : de septembre à décembre 2018, j’ai l’occasion d’aller faire un stage dans l’entreprenariat social aux USA. Mais je suivrai vos travaux par mail et je reviens après !

Communiqué du Conseil de la Jeunesse, 4 juillet

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