Le 17 mars 2020, face à la pandémie de coronavirus, la marche Jai Jagat 2020 qui était partie de New Delhi le 2 octobre 2019 en direction de Genève, a dû être interrompue. Voici, in extenso, le communiqué de Jill & Rajagopal, suivi d’extraits d’un billet de Jean Fabre, de Jai Jagat Suisse.

Concernant la reprise et la poursuite du processus durant l’été 2020, la préparation des marches prévues en Europe durant l’été se poursuit, idem pour le rendez-vous à Genève du 25 septembre au 3 octobre 2020. D’éventuels plans B ou C seront communiqués en temps utile.

17 mars 2020, communiqué de Jill & Rajagopal

Merci à Jacques Vellut pour la traduction en français

Chers amis,

C’est avec le cœur lourd que nous annonçons la suspension temporaire de la marche Jai Jagat. Nous espérons que ce report nous donnera la possibilité de nous réunir et de relancer la marche dès que la situation du COVID 19 s’améliorera et sera sous contrôle. Nous encourageons toutes les personnes directement impliquées dans la campagne à poursuivre leur travail et à garder le moral. Il est prévu de poursuivre la marche virtuelle et, si possible, de créer davantage de blogs vidéo et de formations sur Gandhi et la non-violence, afin d’inciter les gens à réfléchir à des modes de vie alternatifs lorsqu’ils sont chez eux ou en confinement. 

Juste pour vous informer du déroulement des événements, nous sommes arrivés à Erevan il y a moins d’une semaine après une marche de 400 kilomètres durant un mois. Ce fut une expérience exaltante et nous avons rencontré l’incroyable hospitalité du peuple arménien dans le processus de diffusion du message de paix et de Gandhi. Le peuple arménien a tellement souffert de conflits et de guerres au cours de l’histoire qu’il n’est pas étonnant qu’il ait visiblement répondu à ce message de paix. Cette expérience a eu un écho profond chez les marcheurs indiens et internationaux et leur a donné plus de force pour continuer à construire la paix dans leur vie future alors qu’ils quittent la marche en Arménie.

La marche arménienne a fait suite à une très bonne marche de quatre mois en Inde, qui nous a également rapprochés des gens et de leur désir de paix ainsi que de leur engagement envers les valeurs du Mahatma et de Kasturba Gandhi. Le travail de tout Ekta Parishad a fait de ce voyage en Inde une expérience extraordinaire et nous devons nous appuyer sur cette expérience pour faire face à la violence dans la société à de nombreux niveaux.

 Les autres visites au Népal, au Pakistan, aux EAU, dans les Balkans et surtout en Iran, ont apporté un message fort de paix et de non-violence de Gandhi. Nous sommes prêts à entreprendre un travail de suivi considérable avec les réseaux qui ont été créés. Nous sommes également prêts à entreprendre un travail de suivi considérable avec les réseaux qui ont été créés, ainsi qu’un travail de mise en réseau aussi important qui a été fait à Genève, en Europe et aux États-Unis, et qui nous a donné une orientation pour l’éducation continue à la paix, l’économie non violente et la gouvernance non violente à l’avenir.   

Pour en revenir à la question du report, nous avons eu du mal à arrêter cette action après sept ans de planification. Sur le conseil du gouvernement arménien, nous avons renvoyé trente-cinq participants chez eux. Nous avons reçu de ces marcheurs indiens la nouvelle qu’ils étaient bien rentrés chez eux. Ceux qui se rendent dans les régions périphériques du Kenya et de l’Australie, du Mexique et de l’Argentine sont actuellement en vol ou sur le point de l’être. Les Européens restants rentreront chez eux dans les prochains jours.  Un petit groupe de trois personnes attendra en Arménie. Une fois que nous serons assurés de la sécurité de chacun et que les formalités administratives seront réglées, nous retournerons également en Inde.

 Les marcheurs de Jai Jagat tiennent à rappeler que, bien que nous soyons confrontés à une pandémie mondiale et que nous devions être prudents, saisissons cette occasion pour faire pression en faveur d’un changement dans l’approche du développement et de l’économie politique actuelle. Ne nous laissons pas prendre par la panique au point d’obscurcir la vision du Jai Jagat. Il y a encore beaucoup d’activités à faire.

 Nous sommes impatients de vous entendre tous. Avec nos salutations chaleureuses, Jill et Rajagopal

Réaction de Jean Fabre, Jai Jagat Suisse (extraits)

“Chers Jill et Rajagopal,

Avec le temps, je suppose que nous nous attendions tous à ce que la décision que vous avez prise avec sagesse soit inéluctable, et que de toute façon, à un moment donné, vous auriez été bloqués par les mesures de sécurité prises par les gouvernements concernant le passage des frontières internationales. 

C’est effectivement une déception, et nous savons tous que la reprise du Jai Jagat sera un défi majeur. Toutefois, la situation actuelle présente des aspects positifs. 

Tout d’abord, il y a ce qui a déjà été accompli. Grâce aux nouvelles que vous avez données et à ce que nous avons pu partager de première main de ceux qui ont partagé une partie de la Yatra, plusieurs milliers de personnes ont été exposées aux messages de Jai Jagat et beaucoup d’entre elles ont eu l’occasion de réfléchir et d’élaborer sur les messages clés que Jai Jagat soutient. En outre, certains ont reçu une formation à l’action non violente. Nous ne devons pas sous-estimer les effets positifs de toutes ces choses, dont certaines ne seront pas visibles immédiatement mais apparaîtront des mois et même des années plus tard. Vous avez semé, et le temps de la récolte viendra quand les choses seront mûres. 

 Deuxièmement, Jai Jagat a rassemblé des personnes d’horizons et de lieux différents dans une entreprise commune, ce qui a créé de nouveaux liens et un nouvel élan. Il se poursuivra et portera des fruits, y compris des fruits inattendus. 

 Je voudrais donc exprimer ma profonde gratitude à tous ceux qui ont participé à la marche, ainsi qu’à tous ceux qui ont travaillé en coulisse et ont généreusement donné de leur temps, de leurs connaissances et de leur énergie positive. 

 Nous nous devons maintenant de réfléchir à la manière de poursuivre cet excellent travail, mais il est clair que les circonstances justifient que nous prenions le temps de comprendre comment les choses évoluent avant de pouvoir les analyser, les améliorer et élaborer une stratégie pour les prochaines étapes.

 En attendant, je pense qu’il est important d’essayer de communiquer avec les médias et par leur intermédiaire. Ils ont peut-être moins d’espace que d’habitude pour relayer nos messages, mais cela ne signifie pas que nous devons faire nos valises discrètement. Je ne partage pas l’opinion selon laquelle après Covid-19, rien ne sera plus comme avant. L’histoire nous enseigne que les moments de crise peuvent entraîner des changements, mais elle nous apprend aussi qu’une fois que les choses se sont calmées, les gens et les institutions reprennent progressivement leurs mauvaises habitudes et que, si elles ont progressé d’un point de vue technique, ce qui est mis en place finit trop souvent par produire de nouvelles maladies sociétales… Tout comme les virus mutent et génèrent d’autres maladies que celles que nous connaissions. 

Personne ne peut prédire dès à présent si les choses vont encore changer en mieux ou en pire ? Les récents bouleversements, notamment les guerres qui auraient dû susciter de la compassion pour les civils pris au piège dans des situations terribles, ont engendré des craintes et des décisions extrêmement erronées avec trop de rétrécissement et pas assez d’ouverture. Une crise peut avoir des effets positifs ou négatifs. 

Il est donc important de dire quelque chose de fort à nos semblables dans le monde entier. Jai Jagat doit inviter les gens à se lever, à ne pas se rabaisser, à tendre une main bienveillante les uns vers les autres, à ne pas s’enfermer comme si les frontières étaient l’ultime barrière contre le mal et que les gens d’un autre endroit n’étaient pas nos frères et sœurs. 

Il est temps de comprendre que nous sommes une seule famille et d’agir en tant que telle. Il est temps de faire le bon usage de nos ressources et de nos capacités dans un esprit de responsabilité, de substituer la solidarité à la concurrence, et de placer les besoins des gens et la nature au cœur de nos vies, en ne faisant pas croître l’économie et en ne laissant plus certains s’emparer de plus que leur part. 

Il est temps de comprendre que le savoir est fait pour être partagé, et non pour être breveté et vendu, que les ressources naturelles appartiennent à l’humanité et non à ceux qui sont nés là où elles se trouvent. Il est temps de créer des conditions de concurrence équitables au lieu d’exploiter les différences.” 

Jean Fabre invite donc l’ensemble du mouvement à “poursuivre Jai Jagat à partir de chacune de nos familles, à profiter de ce moment spécial pour ne pas perdre l’occasion de jeter les bases d’une communauté mondiale aimante et bienveillante, et ainsi de renforcer notre résilience en tant que famille humaine non seulement face aux menaces sanitaires mais aussi à ce qui tue beaucoup plus chaque jour : la pauvreté, le manque d’eau potable, le manque d’accès à la santé, la concurrence, etc., les divisions, le manque de solidarité et le manque de compassion.”