Le 25 juin dernier le Bureau Fédéral du Plan a publié Réaliser les SDG d’ici 2030: le temps presse – Rapport fédéral sur le développement durable 2024. Ce rapport décrit et évalue la politique menée en examinant la mise en œuvre du Plan fédéral de développement durable (PFDD), adopté par le gouvernement en 2021.
L’évaluation se base sur un indicateur de mise en œuvre de ce plan fédéral 2021, complétée par 8 études de cas portant sur des mesures de ce plan et une description/évaluation de la situation existante.
Le PFDD adopté en 2021 est valable jusqu’à la fixation du prochain plan, dans l’année après l’installation du prochain gouvernement. Le rapport analyse la période de mise en œuvre à partir de l’adoption du PFDD, le 1er octobre 2021, jusqu’au 31 janvier 2024 inclus, date de clôture des données.
Le chapitre 1 présente un état des lieux et l’évaluation de la situation existante en Belgique sur la base de 78 indicateurs de suivi des ODD (objectifs de développement durable), au travers d’un résumé du rapport Indicateurs de développement durable publié en février 2024, qui évalue les progrès accomplis par la Belgique dans la réalisation des ODD. Selon les tendances de 51 indicateurs, la Belgique n’atteindra pas ces objectifs en 2030 si les tendances actuelles se poursuivent.
Le chapitre 2 reprend la mise à jour de l’indicateur de mise en œuvre du Plan fédéral 2021. Pour réaliser cette évaluation, le Bureau fédéral du Plan (BFP) a développé en 2005 l’indicateur Mise en œuvre du Plan fédéral de développement durable. Cet indicateur synthétise les informations concernant le degré de mise en œuvre de toutes les mesures contenues dans un PFDD.
Résultat : plus de la moitié des mesures du PFDD sont dans une phase de mise en œuvre : 52 mesures (22%) sont en préparation et 119 mesures (50%) sont en exécution. Les administrations publiques fournissent de l’information sur plus de 99% des mesures du PFDD dont elles sont responsables. Sur un total de 239 mesures, seules 0,8% des mesures restent non documentées début 2024. Début 2023, ce pourcentage était proche de 10%.
La mise en œuvre des mesures est évaluée sur base de différents critères : par exemple, l’impact sur la société. Les mesures qui ont des répercussions directes sur la société sont plus souvent à un stade avancé de mise en œuvre. De même pour les mesures pour lesquelles le PFDD fixe un calendrier.
Le Bureau du Plan note que pour le prochain plan, une meilleure formulation des mesures pourrait améliorer la qualité de l’évaluation.
Études de cas concernant les lignes directrices du Plan fédéral de développement durable
- Intégrer les SDG dans les notes de politique générale : 80% de ces notes font effectivement référence à des mesures visant à atteindre les SDG et les cibles de l’Agenda 2030. Toutefois, il est difficile de déterminer dans quelle mesure cette intégration modifie les politiques.
- Améliorer l’analyse d’impact de la réglementation (AIR) : l’AIR évalue les conséquences potentielles d’un projet ou d’un avant-projet de législation ou de réglementation nécessitant l’intervention du conseil des ministres du gouvernement fédéral. Ces conséquences peuvent être de nature sociale, environnementale, économique ou sociétale. L’AIR existe depuis 2010. En 2019, le Rapport fédéral sur le développement durable concluait que ce cadre d’évaluation purement formel n’était pas intégré dans le processus d’élaboration des politiques fédérales. Selon le PFDD, l’AIR devait être revue avant fin 2022 pour y intégrer les ODD. Cela n’a pas été fait. Raisons : un manque de personnel, mais aussi un contexte institutionnel peu favorable. Les membres d’Associations 21 le déploraient déjà en 2014.
- Transformer l’autorité fédérale en une organisation durable: dans le PFDD en 2021, l’autorité fédérale s’engageait, via 26 mesures, à accentuer ses efforts de responsabilité sociétale, de diversité (genre et handicap) et de gestion environnementale des services publics. Fin janvier 2024, 11 mesures consacrées à la transformation de l’autorité fédérale en une organisation durable étaient exécutées, 7 étaient en préparation et 7 sont restées sans suite. Une mesure n’est pas documentée.
Études de cas sur les actions interdépartementales du PFDD
5 études de cas concernent des mesures qui impliquaient une coopération entre les services publics fédéraux voire d’autres institutions fédérales :
- Lutter contre le surendettement : pour lutter contre le crédit facile, le SPF Économie devait intensifier ses contrôles du respect de l’obligation d’information et de conseil en matière d’octroi de crédits. La mise en œuvre de la Directive européenne 2023/2225 sur les contrats de crédit, allait dans le même sens. Elle sera mise en œuvre en 2026. Il s’agissait aussi de protéger les consommateurs vulnérables en les informant sur les risques de surendettement. Une campagne doit encore être organisée en 2024. Les indicateurs de surendettement évoluent favorablement, mais la coopération doit être renforcée avec le SPP Intégration sociale et les experts du vécu.
-
Se préparer aux catastrophes naturelles de demain : 2 mesures du PFDD concernaient la gestion des risques actuels et futurs de catastrophes naturelles. Il s’agissait tout d’abord de créer une plateforme de concertation nationale pour mieux se préparer à gérer les crises. Une Cellule de sécurité nationale a bien été mise sur pied par le SPF Affaires étrangères, la Défense, le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement et le SPF Mobilité et transports qui y participent activement. Cette plateforme apparait dans le projet de loi relative à la planification d’urgence et à la gestion de crise et dans le projet d’arrêté royal portant fixation du nouveau plan d’urgence national. Il s’agissait ensuite de définir et mettre en œuvre des mesures fédérales d’adaptation et un centre d’excellence belge sur le climat. Ces 2 volets sont exécutés.
- Favoriser la transition des systèmes alimentaires : le plan fédéral pour les pollinisateurs prévu par le PFDD n’était pas encore adopté début 2024. Le projet Futures4Food, démarré fin 2020, a permis au secteur céréalier de formuler une perspective d’avenir commune à tous les acteurs de ce secteur. Les travaux se poursuivent sur ce sujet. Une Stratégie Beyond Food devait être adoptée, mise en œuvre et évaluée, ce qui n’était pas encore le cas début 2024, bien que la CIDD avait élaboré un projet de texte dès 2020.
- Soutenir la mobilité partagée: il s’agit ici de favoriser le développement de la mobilité en tant que service (Mobility as a service, MaaS), de l’intermodalité et de la mobilité partagée. Cette mesure, en préparation, a fait l’objet d’un colloque du CFDD le 17/09/24, sur base des résultats de la nouvelle enquête du SPF M&T sur l’utilisation actuelle et potentielle des applications de mobilité. Cela avance déjà bien au niveau des services de vélos partagés.
- Financer la transition de l’économie belge : la finance durable fait l’objet d’un cadre réglementaire européen et il en est même question au niveau mondial (cf les débats prévus lors de la COP 29 à Bakou en novembre 2024). Au niveau belge, le PFDD comprenait 3 mesures visant la Société fédérale de participation et d’investissement, le fond souverain belge, pour contribuer à financer la transition vers un modèle durable de l’économie belge. Elles ont été mises en œuvre, comme d’autres telles que les obligations vertes.
Conclusions du Bureau du Plan
Le Bureau du Plan conclut que le Plan Fédéral de Développement Durable de 2021 donnait des impulsions précieuses mais insuffisantes pour atteindre les ODD en 2030. Sans interrompre les mesures en cours, le prochain Plan Fédéral doit être plus ambitieux, fixer des objectifs concrets et utiliser davantage d’instruments réglementaires et économiques, en vue de mesures ayant des effets immédiats sur la société. Le prochain Plan Fédéral devrait aussi mentionner les responsables et un calendrier pour toutes les mesures, car cela facilite leur mise en œuvre. La plupart des mesures doivent faire l’objet de coopérations interdépartementales, de sorte que tous les départements, voire d’autres acteurs, y participent activement.
Les ODD devraient être intégrés dans toutes les notes de politique générale et pris en compte dès le début dans la préparation des politiques. Quant à l’AIR, il est vraiment temps de s’y atteler.
Recommandation d’Associations 21
Associations 21 a résumé ce Rapport du Bureau du Plan à l’attention des acteurs de la société civile qui n’ont pas les moyens de suivre de près et dans la durée l’évolution des politiques de développement durable au niveau fédéral. N’hésitez pas à consulter les 122 pages du Rapport si vous souhaitez plus de détails. Il s’agit donc principalement de mesures visant les exécutifs et les administrations. Mais le lien avec le citoyen est souligné, pour permettre non seulement l’effectivité des mesures mais aussi leur légitimité.
Depuis fin janvier 2024, l’évolution s’est poursuivie. L’Etat fédéral était alors fort occupé avec la Présidence Belge de l’UE. Depuis les élections du 9 juin 2024, on est en stand-by au niveau fédéral. Profitons-en pour relancer les formateurs du prochain gouvernement, mais aussi les parlementaires, à propos des mesures en cours ou de nouvelles mesures qui devraient figurer dans le prochain PFDD !