A New-York du 24 au 30 juin 2013 pour évaluer les Objectifs du Millénaire pour le Développement, avec de nombreux militants et associations venues des 4 coins du monde, Andrée Defaux ira porter la parole des plus pauvres à l’ONU où l’on décrète l’éradication de la pauvreté… Alors que les États membres font tout pour l’engendrer!


Andrée Defaux du mouvement namurois Lutte Solidarité Travail est à New-York depuis ce lundi 24 juin 2013 en compagnie de Claude Mormont d’Entraide et Fraternité, de Thierry Viard et de Didier Clerboit d’ATD Quart-Monde. Parmi les autres délégations rencontrées sur place, beaucoup sont issues du mouvement ATD mais aussi d’autres associations, situées à Haïti, en Mauritanie, en Amérique du Sud, en Amérique du Nord…

Interview, avant le départ

Qu’est-ce qui t’a frappée, Andrée, dans la préparation de cet événement?

Dans les discussions de préparation, j’ai remarqué que les plus pauvres des pays du Sud ne croient pas que dans nos pays européens dits riches, il y ait de la pauvreté. Ce n’est pas la première fois que nous faisons ce constat, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle à LST, nous envoyons notre journal « La main dans la main » à quelque 60 adresses réparties sur tous les continents. Ce sont des contacts noués au fil des visites d’ONG du Sud en Belgique, qui sont toujours bien étonnées de nous rencontrer et de se rendre compte qu’ici aussi, des gens se mobilisent pour lutter contre la misère.

Qu’allez-vous faire à New-York?

Nous allons évaluer dans quelle mesure les Objectifs du Millénaire ont été ou plutôt n’ont pas été atteints. Avec mes compagnons d’Entraide et Fraternité et d’ATD, et une délégation de Mauriciens, nous serons dans le groupe de travail emploi décent et sécurité d’existence. Lors de l’adoption des Objectifs du Millénaire en 2000, le premier objectif fixé était de réduire l’extrême pauvreté et la faim. Depuis, tout ce qui est mis en place au niveau national ne fait qu’amplifier les inégalités. A présent, il est question d’éradiquer la pauvreté. L’éradication, qu’est-ce que ça veut dire et quels sont les mécanismes qui l’empêchent ? Quels sont les mécanismes qui accentuent la pauvreté et la misère ?

On ne manquera pas d’interpeller à ce sujet les ambassadeurs et les académiques qui seront présents sur place. A voir quel sera l’impact des témoignages des familles les plus pauvres à New-York, sur les politiques nationales. Quelle impulsion l’ONU donnera-t-il aux différents pays membres ?

Au Brésil, en pleine Coupe des Confédérations, des centaines de milliers de gens manifestent. J’ai entendu le témoignage d’un manifestant : avec son salaire de 400 Reais, il doit en payer 250 pour les transports. Il lui reste trop peu pour vivre !

Ce sera votre message dans le GT emploi décent et sécurité d’existence?

Oui, mais il y a aussi l’importance de la dignité que l’emploi confère. Ici en Région Wallonne, mon fils va perdre son emploi aux TEC à cause de la suppression des lignes dans le Sud du pays. Soi-disant trop peu de gens prennent le bus mais rien n’est fait pour promouvoir leur accès. Quand on supprime des lignes, on supprime des emplois. C’est l’incompréhension, on est loin de la réalité des gens. Le travail est très important pour la reconnaissance des autres, surtout chez les hommes qui traditionnellement sont sensés faire vivre leur famille, même si à présent les femmes ont pris leur essor. A présent, quelles perspectives pour les jeunes ? Quand j’étais petite, je voyais mon père travailler 7 jours sur 7 pour faire vivre 10 personnes. Aujourd’hui, la référence des enfants, ce sont des parents qui restent à la maison…

L’enjeu de l’emploi décent au niveau mondial est très important. C’est quoi un emploi décent ? C’est un emploi où tu ne vas pas avec des pieds de plomb, que tu aimes faire, où il y a de la considération. Dans nos conclusions, préparées au sein de LST, nous insistons aussi sur l’importance de garantir la sécurité d’existence pour tous les habitants de la terre.

Au fait, qui es-tu Andrée? Quel est ton parcours?

Cela fait bientôt 20 ans que je travaille à LST. Je m’occupe principalement du journal. Pour arriver à cela je suis retournée à l’école, d’abord pour une formation d’aide-familiale puis des cours d’éducateur. Je participe aux activités de LST depuis bien plus longtemps. Au début, c’était ponctuel. En 1982, je me souviens avoir été à une activité d’ATD dans un car affrété par LST. En 87 on était plusieurs de Namur à inaugurer la dalle commémorant des victimes de la misère au Trocadero à Paris. Je n’ai jamais supporté les personnes qui dénigraient d’autres personnes. A présent, quand j’entends les cris d’alarmes des manifestants, mais aussi tous ces suicides en Espagne ou ailleurs pour des raisons économiques, le fait que des travailleurs voient leur salaire réduit mais pas celui du directeur, ça me met en colère! Tout le monde devrait être traité de la même façon!

Propos recueillis par Antoinette Brouyaux

A lire: Article publié par ATD Quart-Monde le 27 juin 2013 avec le lien vers l’appel de la délégation belge à New-York