La présidence belge de l’UE est l’occasion de confronter les pratiques des professionnels d’un pays à l’autre. Le 23 et le 24 avril 2024, le Conseil Fédéral du Développement Durable invitait ses homologues des pays voisins et des acteurs institutionnels de l’adaptation aux changements climatiques et de la résilience. L’Europe favorise en les finançant les interactions transfrontalières : tant mieux pour les professionnels concernés, mais quid des citoyens et associations actives sur le terrain?

Associations 21 a rejoint le 24 avril le colloque international sur l’adaptation et la résilience, dans le cadre de la Présidence Belge de l’UE. Jean Pascal van Ypersele, qui présidait le colloque, a campé le décor et résumé la première journée (23 avril), soulignant que le changement climatique devrait être une priorité plus élevée, tant pour l’adaptation que pour l’atténuation, dans une perspective holistique englobant non seulement les Objectifs de développement durable (ODD) mais aussi tous les autres aspects.

En matière d’évaluation des risques, l’Union européenne est généralement mal préparée. C’est pourtant un enjeu majeur pour le bien-être des citoyens. D’où la nécessité de plans et de stratégies, et surtout de leur mise en œuvre effective, malgré les résistances souvent rencontrées lorsqu’il est question de budgets ; le secteur financier et les banques centrales ont un rôle important à jouer. Les politiques d’austérité peuvent entraver les investissements nécessaires, vu les règles budgétaires.

Echange entre les pros des plans d’adaptation

Chantal Oudkerk, des Pays-Bas, présente la stratégie néerlandaise d’adaptation :  une approche pragmatique et une gestion par processus, avec une attention particulière aux défis liés aux inondations, à la sécheresse et à la chaleur. Son expérience souligne l’importance de définir les objectifs spécifiques, d’améliorer la gouvernance et de tenir compte des impacts du changement climatique sur les humains, la culture et la nature. Il s’agit également de répartir les responsabilités, ce qui s’avère plus compliqué pour les canicules, un risque majeur pour les populations vulnérables.

Thomas Abeling, d’Allemagne, a exposé la stratégie d’adaptation allemande, avec une approche basée sur l’analyse des risques et la mise en place de plans d’action. Des efforts sont entrepris pour renforcer la résilience face aux risques climatiques. Il faut noter que l’Allemagne s’est à présent dotée d’une  loi climat qui engage des différentes entités gouvernementales.

Bruno Alves, du Luxembourg, a décrit les défis spécifiques de son pays en matière d’adaptation, notamment les variations des précipitations et des températures. Il a présenté la structure et les objectifs du Plan d’adaptation national, montrant la nécessité d’une approche intégrée et de collaborations étroites entre les différents niveaux de gouvernement.

Jelle Dehaen a abordé les plans d’adaptation en Belgique, avec des initiatives tant au niveau flamand, wallon que fédéral, montrant l’importance de la coordination entre les différents acteurs et niveaux de gouvernement  et les défis spécifiques liés à la gestion des risques climatiques. Dans le cas de la Belgique, une approche collaborative et inclusive est particulièrement nécessaire.

Lors de la session de questions-réponses, les aspects suivants de l’adaptation au changement climatique ont été pointés :  la nécessité de législations contraignantes, la coopération internationale, la gestion des risques et l’implication des citoyens.

Où sont les citoyens et les acteurs de terrain dans ces échanges transfrontaliers?

Antoinette Brouyaux d’Associations 21 a demandé à Thomas Abeling quelles leçons avaient été tirées des inondations de 2021, du côté Allemand. Sa réponse : cette catastrophe a catalysé la conscientisation de l’importance des plans d’adaptation et de gestion des risques, et accéléré l’adoption d’une loi climat qui, sans cela, serait peut-être restée au frigo.

Antoinette Brouyaux était plutôt en quête d’une réponse à propos de l’expérience sur le terrain des citoyens et collectifs venus en aide aux sinistrés. A ce sujet, Thomas Abeling était d’accord que plus d’échanges entre les acteurs Belges et Allemands auraient été utiles pour tout le monde et que l’Europe devrait offrir le cadre pour de telles rencontres.

Les présentations de l’après-midi ont montré que des fonds peuvent être débloqués pour des  projets transfrontaliers, avec la présentation du projet Marhetak (Euregio) et du programme FIER (Interreg) : mais dans ces deux cas, les échanges transfrontaliers entre citoyens (personnes sinistrées, bénévoles ou associations actives sur le terrain) n’ont pas été évoqués.

Bien évidemment, l’intérêt de ces projets et programmes est de permettre avant tout les collaborations entre professionnels de la gestion des risques : pompiers, ambulances, centres de crise, protection civile, services météo… Et de favoriser l’usage d’outils informatiques communs, comme le logiciel Paragon proposé par le staff belge dans le cadre de Marhetak, présenté par Julia Stroik.

Quant au programme interreg FIER présenté par Cécile Gatoir de Boulogne sur mer, il a démarré début janvier 2024, alors que le nord de la France subissait des inondations à répétition. FIER est l’acronyme de Flood, Infrastructures, Evacuation & Resilience. Ce dernier volet pourrait permettre les échanges d’expériences entre personnes sinistrées et volontaires ou autres acteurs présents localement, entre les 5 pays participants, dont La Flandre Occidentale. Ce n’est pas ce qui a été présenté. Les citoyen·nes concerné·es ne doivent pas hésiter à en faire la demande.

Ajoutons le bottom-up à la gestion des crises!

Nous avons échangé informellement avec Marc-Oliver Pahl, représentant le Rät für Nachhaltige Entwicklung, l’équivalent du CFDD en Allemagne : habitant le Land de Rhénanie Westphalie qui a subi les mêmes inondations qu’en Belgique, il entend les autorités dire qu’elles ont tenu compte des inondations de 2021, cependant, il constate qu’on reconstruit en zone inondable !

En Belgique aussi, l’artificialisation des sols se poursuit, notamment en amont des zones inondables [1]. A cause du moratoire sur les nouvelles constructions à l’horizon 2040, on n’a jamais autant construit qu’en 2022. Cette évolution inquiète des collectifs comme Occupons le terrain, mais elle devrait alerter l’opinion publique plus largement.

Collectifs citoyens belges et allemands pourraient s’échanger utilement des données sur de telles évolutions. Il y a déjà eu des inspirations croisées entre des collectifs actifs en Belgique, par exemple  Code Rouge et les activistes du mouvement allemand  Ende Gelande  qui campaient dans des arbres pour sauver une forêt de la destruction en vue de l’extraction minière.

Une nouvelle occasion de contacts se présente : du 20 au 25 mai, Climate Express et Youth for Climate s’associent avec le collectif allemand Ohne Kerosin nach Berlin (OKNB) pour une raid cycliste de Cologne à Bruxelles, Democracy on the streets. Le dernier jour, nous sommes invités à rejoindre les cyclistes venu·es d’Allemagne pour rallier Bruxelles depuis Nivelles, en passant par Halle, histoire de traverser les 3 régions: 50 km en vélo, ça laisse le temps de faire plus ample connaissance…

Conclusion

Evidemment, la désobéissance civile ne sera jamais financée par des fonds européens. Mais au moins, ce pourrait être le cas pour les rencontres transfrontalières entre citoyens concernés par une même problématique. On l’a vu en 2021, la solidarité transfrontalière et les dynamiques citoyennes sont toujours bienvenues en cas de crise: qu’on offre à leurs “petites mains” l’occasion de débriefer: leurs conclusions seront utiles aussi pour les institutionnels! Merci d’avance aux personnes qui nous transmettront les échos de tels échanges transfrontaliers permettant de consolider cette approche « par le bas » !

[1] Cf OÙ EN EST LA WALLONIE PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ? BILAN DES PROGRÈS – Edition 2023, p200 (ODD 11) et 217 (ODD 13, indicateur des de la part des nouvelles constructions dans les zones d’aléa d’inondation élevé)