Ces recommandations synthétisent les conclusions de diverses publications et débats sur l’alimentation durable, organisés par Associations 21 ou des partenaires. En prévision des élections du 25 mai 2014, nous pointons à l’attention de l’exécutif sortant mais aussi des candidats aux élections Bruxelloises et des électeurs, les priorités qui ont été pointées lors de ces récents échanges.
Priorité n°1: une alimentation durable plus égalitaire
Le premier frein à l’alimentation durable est à la fois social et économique: Bruxelles est une ville très duale et au fil des ans, le fossé se creuse encore entre riches et pauvres, usagers et habitants de la ville. Un quart de la population survit tant bien que mal. Il est difficile de dire à ces personnes de changer leurs habitudes alimentaires, quel choix ont-elles? Il faut avant tout éviter de stigmatiser les pauvres et pointer la cause plutôt que son effet: la mauvaise répartition des richesses, et ce, y compris dans l’ensemble du système alimentaire: nos producteurs fermiers sont eux aussi en difficulté.
La réalisation du droit à l’alimentation durable implique donc tout d’abord d’assurer des revenus décents aux producteurs et de réduire les inégalités entre consommateurs: ainsi, mieux vaut interdire les produits nocifs (ex pesticides ou fongicides) plutôt que de promouvoir des produits labellisés échappant à ces pollutions: ainsi, tout le monde est protégé, y compris les plus précaires.
Priorité n°2: plus de liens entre consommateurs et producteurs
Le second frein est d’ordre culturel mais également économique: de part et d’autre, producteurs et consommateurs, y compris les plus précaires, souhaitent à la fois plus d’autonomie mais aussi plus de liens entre eux. La grande distribution, qui impose ses règles aux uns et aux autres, est pointée du doigt: marges importantes, prix bas pour les producteurs, déchets alimentaires comestibles… Les modes de production, de consommation et de distribution doivent évoluer pour garantir la souveraineté alimentaire. Celle-ci implique notamment de relocaliser la production, et donc aussi la consommation (filière courte, horeca, restauration collective).
À Bruxelles, un tel projet passe nécessairement par des solidarités inter-régionales ! Et donc par des collaborations entre les pouvoirs publics des trois régions mais aussi par la société civile active dans le développement des circuits courts, de l’agriculture urbaine, etc. Il s’agit aussi de soutenir les acteurs économiques qui produisent, transforment ou fournissent des services (ex. Horeca) basés sur une production locale, écologique et équitable. Cf conclusions et recommandations du forum « Fair trade local » du 17 avril 2013.
Priorité n°3: écouter et répondre aux besoins fondamentaux
Le bilan des projets d’alimentation durables soutenus par la RBC depuis 2011 a fait ressortir une grande diversité d’actions menées avec différents publics, mais aussi la fragilité de telles actions qui nécessitent un soutien financier structurel des pouvoirs publics, et pas seulement des aides « one shot ».
Ces actions seront également plus durables si elles sont fondées sur les besoins des publics cibles et sur leur implication. Ce faisant, il est crucial de repérer les potentialités des personnes ou des groupes, et de laisser le champ libre à l’expérimentation et à la diversité des solutions: la débrouille permet parfois le développement d’alternatives intéressantes. A contrario, le fait de devoir définir dès le départ d’un projet quels seront ses résultats, peut avoir pour effet de cadenasser et donc d’empêcher un tel développement d’actions portées par les gens eux-mêmes.
Parfois, répondre aux besoins exprimés implique aussi de décloisonner les compétences: ex. la demande de terrains à cultiver à Bruxelles se heurte à la nécessité de dépolluer les terrains disponibles et aux politiques de logement: pression démographique, spéculation foncière, gentrification… D’où l’importance d’une approche transversale de ces différents enjeux.
Priorité n°4: plus de volonté et d’ambition
On ne changera pas les modes de production et de consommation sans volontarisme pour empêcher l’invasion de nos vies par des multinationales de l’agro-alimentaire et par les acteurs financiers ayant tout intérêt à ériger des shopping géants dans la périphérie bruxelloise, sans égards pour leurs impacts négatifs à long terme [En Région Wallonne, l’Atlas du commerce en Wallonie publié ce 18 février 2014 par la SEGEFA (ULG) montre les impacts négatifs de la multiplication des grandes surfaces commerciales, notamment sur les centres-villes. Bruxelles n’est donc pas la seule région confrontée à ce problème ! Cf [article de l’Echo à ce sujet]].
Il y va, une fois de plus, de notre souveraineté alimentaire mais également du maintien de la vie dans les quartiers à travers leurs noyaux commerciaux. C’est pourquoi Associations 21 et ses membres s’attacheront en 2014 à pointer l’empreinte cachée (sociale, économique et environnementale) de la grande distribution. Dans d’autres pays, des études ont ainsi épinglé que plusieurs emplois étaient perdus pour un gagné lors de l’implantation d’une grande surface. Ex. en Belgique: une Zinnebier permettrait 4 fois plus d’emplois qu’une Leffe !
Priorité n°5: assurer la cohérence des politiques publiques
L’alimentation durable implique enfin plus de cohérence entre les politiques:
Pour obtenir des résultats durables à travers la sensibilisation et l’éducation, il faut également réduire le matraquage publicitaire incitant à la consommation de produits non-durables. Les plus précaires sont les moins armés pour garder une distance critique vis-à-vis de la publicité. L’enjeu est donc ici aussi de protéger tous les consommateurs des méfaits de la malbouffe (obésité, toxicité, effets négatifs dans d’autres régions du monde…)
Il faut aussi plus de cohérence entre les politiques commerciales (import/export) et de coopération au développement (dans la mesure où la RBC peut y contribuer).
L’impact des décisions politiques en termes de durabilité doit être évalué ex ante. En la matière, les autorités fédérales ont mis au point un outil qui peut être utilisé voire adapté par la Région Bruxelloise : l’analyse d’impact des réglementations (AIR).
Cela fait longtemps qu’on en parle, pourtant l’internalisation des coûts environnementaux n’est toujours pas réalisée: ce chantier est urgent car il n’est pas normal que les produits moins polluants soient perçus comme plus chers! Ils devraient au contraire être les plus abordables. On pense ici aux pollutions par les intrants (engrais, pesticides) mais aussi aux émissions de GES induites par le transport de produits importés, ou par les infrastructures de stockage.
Pourquoi le choix de ces priorités?
Ces recommandations s’inscrivent dans la foulée de nos précédents travaux, tels que le plaidoyer d’Associations 21 sur l’alimentation durable publié en octobre 2011, et intègrent les conclusions des échanges suivants:
17 octobre 2011: l’échange sur l’alimentation durable au Parlement Wallon avec des personnes vivant dans la grande pauvreté (journée internationale du refus de la misère)
17 avril 2013: débat « pour un commerce équitable local » lors de la journée internationale des luttes paysannes
9 décembre 2013: colloque L’alimentation durable face aux enjeux sociaux et culturels (RBC-RDC)
Concertation associative tout au long de l’année 2013 concernant le Code Wallon de l’Agriculture : 4 avis ont été transmis au Ministre Wallon de l’Agriculture. Le 1er est en ligne. Pour la suite des travaux qui ont été coordonnés par Inter-Environnement Wallonie, cf le memorandum d’IEW pour les élections régionales du 25/05/14 pp. 28 à 32. Ces mesures prioritaires pour la RW sont en partie valables pour la RBC : il y est notamment préconisé de « renforcer et structurer le lien avec la Région Bruxelloise afin de faciliter son approvisionnement en produits wallons.
Contact: Antoinette Brouyaux, Associations 21