Ignace Cloquet et Iris Braeckman ont énormément œuvré cet été à coordonner l’aide des Flamands aux sinistrés Wallons, notamment via le groupe Facebook Hulp voor slachtoffers overstromingen Wallonië vanuit Vlaanderen. Leurs efforts ont été déterminants dans la mobilisation rapide d’un grand nombre de volontaires.

Après l’urgence, il leur a paru nécessaire, avant de se replonger dans leurs emplois respectifs (l’un au Forem, l’autre à la VDAB), d’établir un rapport de 56 pages intitulé « Analyse de l’aide spontanée suite aux inondations du 14 juillet 2021 ». Ce rapport couvre de nombreux aspects, thématiques et transversaux.

Nous avons pu entendre les auteurs lors d’une conférence de presse organisée par Zoom le 31 août. Celle-ci a été enregistrée. Avec leur accord, Associations 21 prend l’initiative de mettre ce rapport à votre disposition via ces liens :

Principaux constats, commentés par Associations 21:

Perception de l’ampleur de la catastrophe

Dans la nuit du 14 au 15 juillet 2021, la Belgique est frappée par de très fortes inondations. Dès le premier jour, il apparaît clairement qu’il s’agit d’une catastrophe d’une ampleur sans précédent. La zone sinistrée s’étant sur une distance de 100 km et environ 260 villages ou villes sont touchés, de manière variable.

Dès le premier jour, les pouvoirs locaux, l’armée, les pompiers et les services de la Protection civile entrent en action. Le deuxième jour, la Croix-Rouge lance un appel pour qu’aucune aide spontanée ne soit apportée sur place. Cet appel a été repris par le monde politique et diffusé par les médias. Mais lorsqu’il est devenu évident que l’aide fournie par les organismes officiels était loin d’être suffisante pour une catastrophe de cette ampleur, un véritable mouvement de désobéissance civile a émergé, générant un flux de solidarité sans précédent.

Dans les jours et les semaines qui ont suivi la tragédie, des milliers de bénévoles se sont rendus dans les zones sinistrées, venant parfois de loin, avec toutes sortes d’équipements (véhicules, pompes, repas, meubles) qui se sont avérés fort utiles.

Heureusement que l’ampleur de cette catastrophe a été justement perçue par de nombreux citoyens, notamment grâce aux média, vu à quel point elle a été sous-estimée par les institutions mêmes dont c’est le métier ! Le rapport n’épargne pas la Croix-Rouge, mais pointe aussi l’inefficacité de la lasagne institutionnelle et le cloisonnement bureaucratique qui ont empêché notamment la mobilisation d’équipes rodées au niveau international.

Nous n’étions pas préparés aux conséquences des changements climatiques

Le rapport pointe l’impréparation des secours organisés, vu les réductions drastiques dans la Protection Civile, B-Fast, l’Armée, etc. Cependant, force est de constater que l’afflux de dons financiers à la Croix Rouge (35 millions) n’a pas non plus permis une mise en place rapide et efficace de l’aide sur le terrain par cette organisation.

Dans leurs recommandations pour l’avenir, les auteurs ne citent pas nommément la Croix-Rouge lorsqu’ils disent « on ne sait pas très bien comment le gouvernement et les autres organisations se sont préparés à cette situation (les changements climatiques, ndlr) au cours des 40 dernières années, mais on ne peut que conclure qu’ils n’étaient pas prêts et que l’effort de secours organisé s’est soldé par un fiasco ».

En tant qu’organisations de la société civile organisée et subsidiée, notamment pour alerter les décideurs et l’opinion publique sur les conséquences prévisibles des changements climatiques et revendiquer des mesures en vue de réduire les émissions de CO2, en effet nous n’étions pas préparées non plus à nous mobiliser promptement pour réagir dans un tel contexte.

A la mi-juillet, beaucoup d’entre nous étaient en congé ou sur le point de l’être. De nombreuses personnes travaillant pour des ONG se sont engagées à titre personnel dans l’aide aux sinistrés. Mais jusqu’à la mi-août, on a peu entendu les associations membres de la Coalition Climat ou d’autres plateformes comme Associations 21.

Un flambeau à reprendre

Qu’à cela ne tienne, beaucoup de personnes qui se sont mobilisées bénévolement pour contribuer à l’aide d’urgence, ne peuvent renouveler indéfiniment cet effort. Bien sûr des initiatives locales et des liens de solidarité vont se maintenir. Un réseau de groupes d’entraide se constitue, Citizens Can, qui va poursuivre un dialogue entamé avec les commissaires spéciales du Gouvernement Wallon pour le suivi des inondations.

Mais il est temps que le monde associatif s’empare de l’expérience et des constats des groupes de bénévoles, et les relaie :

  • Dans la veille du grand examen qui a commencé au niveau institutionnel (commissions d’enquête du Parlement Wallon et du Parlement Fédéral)
  • Mais aussi sur le terrain où la problématique du relogement est loin d’être résolue.

Pour cela, nos organisations sont mieux outillées :

  • Habitat et Participation pointe le momentum que cette situation constitue pour déployer des Community Land Trusts et autres formes de logement coopératif, en vue d’orchestrer la reconstruction de manière collective et protégée de la spéculation immobilière.
  • Inter-Environnement Wallonie brandit son dossier « Stop béton » et les solutions alternatives aux reconstructions hâtives, afin de préserver les zones non bâties, à sanctuariser comme « jardins d’orage » et réservoirs de biodiversité. Voir aussi le manifeste No nature, no future, publié le 4 septembre.
  • Les organisations actives sur le terrain social pointent comme ce rapport que de nombreuses victimes étaient déjà en difficulté financière avant la catastrophe. C’est même un constat largement partagé que majoritairement, les sinistrés sont des personnes de condition modeste. Dans sa carte blanche du 20 août 2021, la Fédération des Services Sociaux appelle à des changements importants, comme la suppression du statut de cohabitant : cette mesure comme d’autres permettrait de produire « des droits nouveaux dont bénéficient d’abord les personnes les plus fragilisées et les plus impactées par les catastrophes les plus récentes. Elles sont prioritaires dans l’obtention de ces nouveaux droits. Mais nous savons aussi que ces droits, par capillarité et par diffusion, atteindront très vite l’ensemble de la société ».

On reparlera de ces revendications lors du forum final du cycle ODD, modes d’emploi, à Louvain-la-Neuve le 24 septembre 2021. Le plaidoyer qui sera remis aux politiques, contient ces revendications et d’autres. Des pistes de recherches transdisciplinaires avec des académiques seront lancées. En attendant, accueillons avec attention ce flambeau des bénévoles de l’été 2021 : et gardons-en la flamme vive !

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