Co-pilotes: Paul-Marie Boulanger (Institut pour un Développement Durable) et Tom Bauler (ULB)
Déconstruire les mythes des projets “collaboratifs/cocréationnels/coproduits” pour éviter qu’ils nous égarent… N’y a-t-il pas d’autres mythes à déconstruire pour permettre la transition écologique et solidaire?
Avec la participation d’Alain Dangoisse (Maison du Développement Durable de Louvain-la-Neuve), Etienne Verghaegen (UCL-LP Transition), Bernard Walschaerts (Institut Eco-conseil).
Rapporteur: Tom Bauler. 30 participants.
Constats partagés
En ouverture de l’atelier un constat non-partagé : certains participants ne semblent pas admettre que la recherche-action, la recherche citoyenne et d’une manière générale la recherche participative et engagée, puisse contenir des vices de construction et de configuration, puisse être le terrain de jeux de compétition et de confrontation, puisse être une pure activité de window-dressing, de smoke-screen, etc. Pour le dire synthétiquement: puisse être toute aussi sujette à la bêtise humaine et la mauvaise foi que d’autres formes ou méthodes d’enquête scientifique.
Partagés (mais donc pas consensuels) furent les constats suivants :
- Atteindre – dans le contexte de projets de recherche – un degré satisfaisant de représentativité des connaissances et des compétences “citoyennes” n’est pas facile. Inévitablement les connaissances et compétences sollicitées sont hyper-contextualisées et tiennent de la valeur dans le sens d’une étude de cas profonde. La généralisation, ou du moins une certaine forme de décontextualisation, p.ex. pour des questions sociétales assez importantes comme “quelles sont les accélérations possibles des activités locales de transition?” sont très difficilement atteignables.
- Continuerait à planer aussi bien côté administrations de financement que de la recherche engagée & que de l’associatif une idée de fond du “bon citoyen” désincarné, naïf, de bonne volonté illimitée, motivé par le pur bien commun. A l’image de la sociologie du développement du début du 20ième siècle qui se concentrait à comprendre les dynamiques et rites des “bons sauvages”. Attention, ceci n’est jamais très explicite, mais il semble régner une sorte d’à priori positif généralisé.
- D’expérience des intervenants/orateurs, les recherches à méthodologie “active” sont très utiles en règle générale pour contribuer à un recadrage de la problématique initiale. Pas tant, ou du moins très très exceptionnellement pour travailler des “solutions”, mais presque toujours et quasi-inévitablement pour recadrer la problématique. Ce qui peut être déjà une avancée énorme face à des problématiques que nous décrivons souvent de manière hasardeuse (agri bio généralisée? enfouissement des déchets nucléaires?…).
- Impacter avec de la recherche participative, engagée, active… tient souvent à une condition de base: l’engagement institutionnel. Si les institutions publiques qui gravitent autour du champ exploré ou qui commanditent les activités s’engagent pleinement et de façon institutionnelle, les impacts – ne serait-ce que le recadrage mentionné plus haut – génère des avancées dans la gestion de la problématique. Sans engagement institutionnel, l’impact sociétal ne semble pas se faire.
Recommandation
La recherche action, participative, engagée, co-créatrice… doit elle-même faire objet d’un suivi et d’une capacité d’analyse beaucoup plus importante qu’à l’heure actuelle. L’engouement et l’apriori positif actuel doivent aussi être le tremplin qui permettra de mettre en oeuvre des projets d’observation et d’analyse de ces activités. Sans cela, il y a lieu de rester très sceptique sur la capacité d’asseoir structurellement ces modes scientifiques dans le portfolio des recherches.
Deux pépites
2 messages clés qui nous semblent particulièrement partagés :
- D’une part, la question du temps long a été beaucoup évoqué. La logique des projets – au dépens de la logique des mandats à vie ou des postes académiques – fait que les enquêtes scientifiques restent confinées à prendre des photographies, des instantanés. Un projet sur 2 ou 4 ans qui finance une collaboration entre un chercheur et un groupement citoyen ne pourra jamais capter les dynamiques de restructuration et de réforme réelles, ne pourra pas suivre les évolutions tectoniques qu’induit éventuellement telle groupement. ne pourra pas faire sens du déclin du groupement, ou de sa reprise par l’institutionnel. En bref, si c’est pour accompagner la transition, si on est d’accord que celle-ci ne se fera pas sur une période de 2-4 années, il est logique de ne pas prévoir qu’un simple patchwork désorganisé et non-cohérent de projets. Patchwork qui en plus impose pour des raisons d’originalité, de ne plus pouvoir revenir sur un objet d’étude visité plus tôt.
- D’autre part, mais toujours liée à cette évidence des temporalités divergentes, les collectifs et groupements eux-mêmes sont construits dans le temps et ont une relation précise avec le temps, notamment en termes d’urgence ressentie. De celle-ci découle ensuite leur volonté de “bifurquer” partiellement vers un engagement dans des projets de recherche (qui consomment eux-mêmes de la motivation et du temps de la part des citoyens). Il y a donc assez naturellement une part des collectifs qui échappent simplement de la recherche participative, pour des raisons de non réponse à des invitations. Pour le dire autrement: plus les collectifs sont dans une idée d’urgence et de profondeur du changement nécessaire (donc les collectifs les plus en rupture), plus ils risquent d’échapper à l’enquête scientifique (et particulièrement pour toute forme d’enquête participative).
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