Samir Abi, membre de l’Alliance panafricaine pour une justice climatique (PACJA), nous livre sa chronique de la commémoration du Sommet de la Terre de 1992 à Rio+20 où Maurice Strong, Secrétaire Général du Sommet de la Terre en 1992 a fait une intervention remarquée. “Qu’est-ce qu’on célèbre ?” A-t-il demandé en introduction… Pour conclure que seules les révolutions aboutissent à des changements. Celle qu’il appelle de ses voeux devrait assurer la sécurité de tous et celle de notre planète.


L’activité phare de ce 15 juin à Rio + 20 fut la commémoration du Sommet de la Terre de 1992. Pour l’occasion, on a rappelé du monde et pas des moindres: Maurice Strong, Secrétaire Général du Sommet de la Terre en 1992 et le Sénateur Fernando Collor de Mello, Président du Brésil en 1992.

La salle 2 du pavillon 3 était pleine à craquer et les flashs des photographes n’ont cessé de crépiter pour immortaliser l’évènement du jour. Introduisant la cérémonie, l’Ambassadeur Antonio de Aguiar Patriota, ministre des relations extérieures du Brésil, organisateur de Rio + 20, a souligné l’importance que représentait à ses yeux cette cérémonie de commémoration, le sommet de la terre étant rentré dans l’histoire moderne comme l’évènement fondateur d’une nouvelle ère diplomatique : le multilatéralisme.

La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin ont laissé le monde confronté à une hégémonie nouvelle, le règne, sans partage, des Etats Unis. Le seul obstacle possible qui pouvait être envisagé à ce nouvel ordre mondial qui se profilait à l’horizon était le renforcement, à l’échelle mondiale, d’un processus multilatéral de concertation afin de faire face aux défis communs d’un monde déjà devenu un petit village. Le Sommet de la Terre de Rio en 1992 a offert une occasion en or pour les Nations Unies de marquer cette nouvelle orientation. A partir du cri du cœur s’élevant de Stockholm pour une croissance zéro au premier Sommet de la Terre en 1972, les questions environnementales sont apparues au fil des années comme une priorité dans l’agenda onusien. Fort malheureusement, la guerre froide, à l’époque, et la crise économique de la fin des années 70 – 80 qui ont permis la montée au pouvoir du républicain Ronald Reagan aux Etats Unis, ont énormément fragilisé le processus mondial pour faire face à ce problème. Le nouveau contexte apparu au début des années 1990, le retour au pouvoir des démocrates américains avec Bill Clinton et l’arrivée de Boutros Boutros Ghali à la tête de l’ONU après la première guerre d’Irak ont fait du Sommet de la Terre 1992 à Rio un tremplin préfigurant la nouvelle diplomatie internationale du XXIème siècle.

A la suite de l’Ambassadeur Antonio de Aguiar Patriota, Mr Shu Zukang, le Secrétaire Général du sommet de Rio + 20, a salué cet héritage historique et les pionniers de cette aventure humaine dont le succès a permis de bien avancer dans la gestion planétaire de nos ressources ces vingt dernières années. Il a salué le leadership du Brésil sur les questions de développement durable tout en espérant que ce leadership permettra d’aboutir au succès du présent sommet. Avant de passer la parole au Sénateur de Mello, il a remercié Maurice Strong pour ses conseils et son appui inlassable tout au long de la préparation de ce sommet. C’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse, avec succès, la nouvelle.

Le Sénateur Fernando Collor de Mello, Président du Brésil de 1990 à 1992, et hôte du Sommet de la Terre en juin 1992, avant de démissionner en septembre de la même année, est revenu sur ses souvenirs de président lors de cet événement. Il a rappelé les réunions bimensuelles dans son bureau avec l’équipe de diplomates en charge de la préparation du sommet et le stress que représentait cette rencontre pour le tout jeune président de quarante ans qu’il était. Il est revenu également sur l’implication diplomatique et scientifique de haut niveau qui a permis de mobiliser la centaine de chefs d’Etat et de gouvernement au sommet de Rio en 1992. Il était là au bon moment et est ainsi entré dans l’histoire. Pour finir, il a rendu hommage à l’homme sans qui ce sommet n’aurait pas été un succès : Maurice Strong.

Aujourd’hui agé de 83 ans, Maurice Strong, a été sans nul doute l’homme de la journée. Entrepreneur canadien et président de Pétro Canada à la fin des années 70, il a rejoint la commission mondiale pour l’environnement des Nations Unies au milieu des années 80 après avoir été Secrétaire Général Adjoint des Nations Unies en charge de la coordination des opérations d’urgence en Afrique. Il est reconnu comme l’artisan de la réussite du Sommet de la Terre de Rio 92. Déjà en 1991 il critiquait ouvertement les Etats Unis qui représentaient, selon lui, le plus grand danger pour la santé écologique du monde.

Fidèle à sa réputation, Maurice Strong a commencé son intervention par une interrogation : « Qu’est-ce qu’on célèbre ? ». Ovation de la société civile présente dans la salle. Son constat est clair, le monde a changé et pas dans le bon sens, le mouvement « occupy », selon lui., en est la meilleure preuve. Il indexe la politique de son pays, le Canada, qui est un des principaux responsables de la situation actuelle. Rio + 20, à ses yeux, est une conférence sur l’avenir de la civilisation humaine. Après un coup d’œil dans le rétroviseur de ces vingt dernières années, il a conclu que l’héritage du Sommet de la Terre de 1992 n’avait servi à rien, que la mise en œuvre des recommandations ambitieuses de Rio 92 avait été un échec, et qu’on ne pouvait pas le célébrer mais plutôt mettre en garde et assumer notre responsabilité collective. Sa proposition pour ce sommet afin de sauver le monde du point de non-retour où nous nous trouvons est la mise en place d’un système de responsabilité contraignante indépendant des gouvernements. Pour conclure, il a rappelé que l’histoire récente du monde a prouvé que seules les révolutions aboutissent à des changements. Il a donc demandé à ce que, lors de ce sommet, soit lancée une révolution pour que lancée une révolution pour que la sécurité de tous et la sécurité de notre planète soient à jamais assurées. Standing ovation de deux minutes de la salle. Tout un hommage.

Pour terminer cette commémoration, les secrétaires exécutifs des trois conventions des Nations Unies nées à Rio en 1992 ont été invités à venir présenter le bilan de leur vingt ans d’existence. On peut facilement deviner les résultats de leur évaluation. Toutefois, une absence de marque à cet exercice : Christina Aguillera, la très célèbre et médiatique secrétaire exécutive de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, empêchée par les négociations en cours et toujours dans l’impasse.

C’était hier…