Cette chronique nous est livrée par Luc Lefèbvre, du Mouvement Luttes Solidarités Travail

S’il y a des aspects indispensables de prudence au niveau de la contamination, il y a aussi autour de ces questions, les aspects fondamentaux de la solidarité humaine et des contraintes qui la freinent actuellement. A l’heure où une partie importante du monde du travail mesure la pratique du télétravail, d’autres se mesurent à tous les risques apportés par leur existence et à une solitude plus grande encore…

Nous aurons attendu une semaine de confinement pour voir des reportages sur les conditions de travail des services de ramassage des immondices. On les voyait toujours sans masque et ensuite, on nous informe que ces travailleurs vont recevoir du gel désinfectant fabriqué par la protection civile, au même titre que les pompiers.

Les éboueurs n’ont pas de prime spéciale pour courir derrière les camions toute une journée et profiter des émissions de virus au moment où les sacs éclatent dans le refouloir du camion en faisant voler les mouchoirs en papier dans tous les sens. Ils vont recevoir du gel, mais comme ils travaillent avec des gants (obligatoires dans leur métier) ce ne sera peut-être pas ce qui est le plus efficace. Mais ils courent toujours derrière les camions sans masque.

Les personnes qui remplissent les rayons des magasins n’ont pas d’avantage en plus malgré les surcharges de travail et les risques qu’elles portent. En ce qui les concerne, des négociations entre patrons et syndicats viennent d’échouer.

Et le personnel soignant?? Les pompiers qui se retrouvent ,sans masque, à 6 ou 8, l’un contre l’autre dans les camions pour aller en intervention…. etc…

A cela on peut aussi ajouter la banalisation de toutes les mesures de gestion des inégalités qui fabriquent “l’arme alimentaire” et qui agissent en permanence sur les plus pauvres. Les sous droits spéciaux qui enferment les plus pauvres dans des réalités inhumaines, des dérégulations “immorales”, “injustes” lorsque des activations imposent qu’ils entrent dans des emplois totalement dérégulés… On en fait quoi ?

Il me semble que ces constats ouvrent aux débats qui  reviendront à plus ou moins long terme et qui sont certainement très présents dans ces périodes de lutte contre cette pandémie, mais peu apparents. Ces débats seront essentiels à la sortie de “la crise”. Ils sont là, une fois de plus sous notre nez (c’est peut être cela le virus qui tue l’humanité).

Croire que devant cette crise et les mesures de confinement , tous les citoyens sont logés à la même enseigne est une farce. Encore faudrait-t-il que tous puissent être logés.

Que ce soit, avant cette crise, pendant ou après, les fondements inégalitaires qui règlent la marche du monde ont de solides ancrages. Face à cela, quelles sont nos capacités de questionner et résister individuellement et collectivement et d’être créatifs pour initier des pratiques, des lieux, dont les fondements reposent sur d’autres fondements? Je pense que si nous abordons des questions de “droit”, de “légalité”  sans avoir les balises qui se dessinent dans nos options de base nous participerons directement aux rapports d’oppressions.

Ce qui est “légal”, est-ce toujours juste?  équitable?  voire moral ?  Derrière ces questions c’est la fonction du droit et ses limites que nous questionnons. Et surtout , voir ce que nous en faisons. Les milliards de fraudes fiscales c’est “légal” dans de nombreuses pratiques. Est-ce moral, équitable ?

Je tenais à partager ces quelques réflexions pour susciter et développer des engagements solidaires qui tiennent aussi compte des exigences de prudence actuelles.

Mais c’est avant tout, la rupture des liens à travers le confinement qui augmente pour les plus précarisés l’insécurité d’existence.

A suivre et voir ce que nous saurons en faire.

Bonne semaine, malgré les horizons plutôt bouchés.