Climat/Corona: les plus pauvres nous donnent à penser! 

Voici une série de chroniques publiées par ATD-Quart Monde et que nous reprenons sur le site d’Associations 21 pour nourrir la réflexion en vue du Forum Durabilité et Pauvreté, qui était initialement prévu le 12 mars 2020, et qui est reporté au 21 septembre 2020. Alors que la réflexion sur la durabilité continue, une autre sur la solidarité commence. Pendant les 2 prochaines années, le Service de Lutte contre la Pauvreté et ses nombreux partenaires se réuniront pour rédiger le prochain rapport bisannuel sur le thème solidarité & pauvreté. A suivre!

10 juin: Solidarité, pauvreté et coronavirus

Les nombreuses initiatives de solidarité pendant le confinement vous ont touchés ? Vous avez, par exemple, aidé votre voisin.e à faire ses courses ? Aujourd’hui vous souhaitez que ces initiatives puissent se maintenir dans le futur ?

Avant même la crise, les personnes en situation de pauvreté avaient développé des réseaux d’entraide et de solidarité. Ainsi, à leur propre façon, elles prennent des initiatives qui s’inscrivent dans la durabilité, à travers la récupération, le troc, le don, l’échange de services, l’hébergement de personnes encore plus en difficulté…. Mais souvent, “leurs solutions sont pénalisées et les initiatives sont imposées d’en haut” (p. 87 du Rapport Durabilité et Pauvreté). D’un côté des mesures politiques ont essayé d’encadrer le bénévolat et même de le rendre obligatoire. De l’autre, des personnes qui perçoivent des allocations se voient contrôlées lorsqu’elles participent volontairement à des projets environnementaux ou sociaux. Soi-disant, si elles peuvent donner un coup de main dans une initiative citoyenne, elles devraient pouvoir travailler à plein-temps. Dès lors, comment vivre la solidarité lorsque le CPAS surveille votre potager et vous suspecte d’en tirer une source de revenu supplémentaire ?

Lors des concertations pour l’écriture du rapport Durabilité & Pauvreté, il a été souligné que participer à des actions de solidarité demande beaucoup d’énergie et de force mentale pour des personnes qui vivent la pauvreté. Il est ainsi important d’encourager, de valoriser et de mettre en place les conditions favorables pour que les initiatives de solidarité “libre, autonome et libératrice” puissent fleurir au sein de notre société, et au-delà. On ne vient à bout des injustices et des inégalités qu’en étant solidaire des personnes en situation de pauvreté, pas en gérant ces situations.  Pour aller plus loin.

5 juin: Vacances, pauvreté et coronavirus

Vous vous réjouissez de pouvoir enfin vous échapper, au grand air, à la montagne, à la mer ou à la campagne ? Vous sentez le besoin de vous évader et de quitter les murs qui vous emprisonnent depuis le mois de mars ? Vous rêvez d’avoir enfin le stress du covid et ses conséquences derrière vous?

Pour ceux qui ont la chance de pouvoir partir, les vacances sont un moment de détente très attendu, et d’autant plus légitime et indispensable après cette période éprouvante du confinement. Pouvoir enfin se ressourcer avec sa famille ou ses amis et découvrir de nouveaux endroits contribue à l’équilibre personnel et mental de chacun.e. Même une excursion d’une journée ou une semaine de vacances peut permettre de se changer les idées et d’oublier un peu ses problèmes, qui pour beaucoup ont été intensifiés par la crise. Mais lors des concertations qui ont conduit à la rédaction du Rapport Durabilité & Pauvreté, il est ressorti que “certaines personnes ne sont jamais parties en vacances de leur vie”. Celles qui ont eu la possibilité de partir juste un week-end “rapportent à quel point cela change les points de vue, les relations familiales…”. Car la durabilité ce n’est pas seulement partir moins loin pour moins polluer mais aussi assurer le bien-être des générations actuelles et futures. Mais la crise du corona pose aujourd’hui une autre question : des personnes qui partent d’habitude à l’étranger pensent rester en Belgique. Cela ne risque-t-il pas de rendre encore plus difficiles des vacances à des prix abordables, si, par exemple, à la côte belge les locations augmentent? “Il n’y aura plus rien pour nous,” craint une militante. Pour aller plus loin.

27 mai: Alimentation, pauvreté et coronavirus

Les files qui s’allongent devant les banques alimentaires vous font réfléchir ? Vous avez fait des réserves au début du confinement en prévision d’une pénurie? Pourtant, des personnes vivent depuis longtemps au jour le jour dans la pénurie, sans les moyens de faire des réserves.

Ainsi, en 2018, 300 000 belges bénéficiaient de l’aide alimentaire (Fédération belge des banques alimentaires). Depuis le début de la crise, ce sont 200.000 personnes de plus qui ont dû y avoir recours. Ces personnes et celles qui de façon générale disposent d’un budget inférieur au seuil de la pauvreté, n’ont pas toute la liberté de choisir ce qu’elles vont manger

C’est pourtant un point décisif lorsqu’on parle d’une alimentation durable. Le rapport Durabilité & Pauvreté met en évidence que les personnes en situation de pauvreté ont aussi conscience de l’environnement et du commerce équitable. Mais, faute de moyens, elles n’ont accès qu’à des produits (alimentaires mais aussi vêtements ou jouets) souvent plus pollués, plus polluants et fabriqués dans des conditions de travail inhumaines. En effet, soutenir les agriculteurs locaux et les circuits courts requiert un budget plus important, la possibilité de se déplacer, d’avoir un accès internet et une participation à la vie sociale. L’aide alimentaire et la charité ne règlent à long terme ni la situation des consommateurs les plus fragiles, ni celles des agriculteurs locaux concurrencés par les excédents souvent rachetés à bas prix, puis distribués gratuitement. A long terme, le développement durable passe nécessairement par le renforcement de la protection sociale pour que chacun ait accès à un revenu décent et à tous les droits fondamentaux. Pour aller plus loin dans la façon de repenser l’aide alimentaire.

20 mai : Sante, pauvreté et coronavirus

Vous avez eu un masque grâce à votre commune ? Vous avez acheté une boîte de masques chirurgicaux dans le commerce parce que pour la santé “on ne compte pas” ?  Mais saviez-vous que ces dépenses imprévues qui ne sont pas remboursées par la sécurité sociale ne sont pas accessibles à tous ?

Depuis la réforme de 1998 en Belgique, l’assurance maladie obligatoire couvre 99% de la population, mais elle ne couvre pas tout. Les visites à des spécialistes aux honoraires élevés qui reçoivent dans leur cabinet ne sont que très partiellement remboursées alors que seulement 84,4% des personnes payent une assurance maladie volontaire prenant mieux en charge ce type de prestation. C’est la faiblesse de ce système de base que les participants à la concertation pour le rapport Durabilité & Pauvreté soulignent : les médicaments, les soins dentaires ou ceux de santé mentale sont insuffisamment remboursés par l’assurance obligatoire. Cela pousse certaines personnes à repousser voire éviter des soins par manque de moyens. Selon l’enquête Solidaris de 2019, 39.8% de la population wallonne et bruxelloise déclare avoir remis à plus tard des soins pourtant nécessaires pour des raisons financières. “Je suis restée un an sans me soigner alors que j’étais mal.” Les personnes en situation de pauvreté accèdent plus difficilement aux soins de santé et sont dès lors plus exposées aux inégalités sociales et environnementales.  La crise sanitaire actuelle illustre les conséquences néfastes sur le long terme des économies en matière de soins de santé. Il est important que le système de santé soit conçu et financé pour que “personne ne soit laissé derrière” : il est intolérable qu’une personne soit refusée aux urgences d’un hôpital, ou qu’une autre soit écartée parce qu’elle porte un foulard au lieu d’un masque.  Pour aller plus loin, voici deux compte-rendus d’Université populaire Quart Monde sur le thème de la santé.

13 mai: Climat, pauvreté et corona

Vous vous réjouissez que votre impact environnemental ait diminué pendant cette crise ? Et oui, pas de voiture, pas d’avion, peu de déplacements, et presque pas de nouveaux achats, ça a ses avantages ! Mais saviez-vous que les personnes en situation de pauvreté vivent cette “sobriété” forcée depuis bien avant la crise ?

En effet, elles contribuent moins à la pollution de l’environnement et émettent moins de CO2 que les autres. En Belgique, les 10% les plus riches polluent environ 4 fois plus que les 10% les plus pauvres. Lors d’une Université populaire d’ATD Quart Monde en Flandre, les participants ont essayé de répondre aux questions d’un test visant à calculer leur empreinte carbone. Celui-ci n’était visiblement pas adapté à la réalité d’une personne vivant la pauvreté: “Comment répondre à des questions relatives au logement lorsque l’on est sans-abri ? […] Comment répondre à des questions relatives à l’alimentation lorsque l’on ne peut se permettre qu’un repas par jour? Et quelle réponse donner à des questions qui traitent de la consommation d’énergie et d’eau lorsque l’on n’a pas toujours de contrôle là-dessus, faute de compteur individuel?” (p. 15). Pour aller plus loin.

6 mai : Nature, pauvreté et coronavirus

Pour combler le vide causé par le confinement, vous prenez plaisir à jardiner, à vous promener dans le parc ou la forêt d’à côté ? Ou pour les plus chanceux à faire une partie de tennis en plein air avec des amis ? Mais saviez-vous que disposer d’un jardin en ville reste une exception et que profiter des espaces verts est un plaisir réparti de manière très inégale?

Ainsi, à Bruxelles, 10 % des espaces verts sont situés dans le centre-ville et 70 % en périphérie. “La nature dans les grandes villes, ça ne représente pas grand-chose : un bout de verdure au milieu des gaz d’échappement.” Pas étonnant que ceux qui en ont les moyens préfèrent les « beaux quartiers » de la périphérie alors que d’autres sont « confinés » dans des zones où le béton prédomine largement… Le rapport Durabilité & Pauvreté souligne que pour des familles qui vivent la pauvreté, ce n’est pas toujours simple de trouver un endroit pour se dégourdir les jambes et profiter de la nature, même en temps normal.

Les espaces verts publics permettent de respirer le grand air, de se rencontrer, de se détendre. Les scientifiques le disent, l’accès à la nature contribue largement à une bonne santé physique et mentale. Et pour de nombreuses personnes, le droit au repos et aux loisirs passe par un accès à ces espaces. En cette période particulière qui fragilise notre santé et notre moral, il est primordial que les personnes qui vivent la pauvreté accèdent aux espaces verts et aux loisirs. Pour aller plus loin, extrait du Rapport Durabilité/ Pauvreté concernant l’accès à la nature et aux espaces verts en Belgique.

30 Avril: Durabilité, pauvreté et coronavirus

Vous vous sentez impuissant.e, frustré.e, loin de toutes les décisions actuellement prises à propos du dé.confinement ? Vous souhaitez avoir la possibilité de participer à votre futur? Les personnes en situation de pauvreté, parmi les premières exposées à la crise, elles aussi, ont leur mot à dire.

Leur contribution – et pas seulement en ce qui concerne le Covid-19 – est essentielle parce que, d’expérience, elles savent ce que veut dire ne laisser personne de côté. Lors de l’élaboration du rapport Durabilité & Pauvreté, elles ont affirmé leur volonté d’être impliquées dans les débats qui concernent le futur de notre planète et de notre société. “Ce qui touche la planète nous touche aussi”, disaient-elles, en dénonçant le préjugé selon lequel “les personnes en situation de pauvreté ne se préoccupent pas de la durabilité (…).” Se priver de leur expérience et de leur réflexion compromet notre futur à tous. Pour en savoir plus.