Prochain RV Transition Juste en Belgique:
15/04 à 14h: webinaire de la Plateforme de Coordination Travail Décent (PCTD), le 1er d’une série de 5 webinaires sur la transition juste. Avec Seynabou Diouf (Spécialiste des emplois verts, Bureau régional de l’OIT pour l’Afrique), Bert De Wel (responsable de la politique climatique à la CSI, chef de délégation de la CSI aux sommets climatiques COP) et une sélection d’organisations partenaires des membres de la PCTD. Inscription.
Membres de la PCTD: Coopération syndicale internationale IFSI-ISVI, Solidaris, Solsoc, FOS, Oxfam, Mutualités Chrétiennes, WSM & BIS-MSI.
Conférence européenne sur la Transition Juste, 4 et 5 mars 2024:
Notre écho sur notre page dédiée à la Présidence Belge de l’UE.
Trajectoire belge sur la Transition Juste:
- Notre écho ci-dessous de la Conférence des 8 et 9 novembre 2023.
- Présentations des différentes interventions sur le site Just Transition de l’Etat Fédéral.
Première Journée- 8 novembre 2023
Introduction

Orateurs principaux dans la salle plénière

Jean Pisani-Ferry, professeur (Bruegel, PIIE et Sciences po), a mis en avant l’impératif d’équité dans la transition, comme l’ont montré les « gilets jaunes » en France. Il a analysé l’empreinte carbone en relation avec les déciles de revenu, soulignant la nécessité d’une répartition équitable de l’effort. Entre les déciles, des variations énormes ont été observées, notamment en fonction de la résidence, avec des différences marquées entre les zones rurales et urbaines. Des mesures liées uniquement au revenu ne seront pas suffisantes.
Le plan européen de relance et de résilience est un soutien important à la transition juste. Cependant, Jean Pisani-Ferry avertit : ce financement risque de diminuer fortement dans les années à venir, passant de 50 milliards à moins de 20 milliards d’ici 2030.
Selon lui, les critères d’équité sont complexes. La taxe carbone a été rejetée en raison d’une répartition jugée injuste.
Il faut viser l’égalité des sacrifices, une approche inhabituelle en temps de paix. Et ne pas présenter une équation sans solution, mais appeler à des efforts de la part de tous, y compris des plus aisés. La différence avec l’idée de « taxer les riches », vu que le top 1% est très mobile, c’est plutôt que le 10ème décile, ce sont des individus ayant des revenus confortables, insérés dans le salariat. La richesse finale n’est pas directement affectée, et lui propose de prélever 5% une seule fois sur cette masse. Bien sûr cela ne suffira pas. Il faut aussi permettre aux États membres de s’endetter selon un traitement particulier ou prolonger le plan de relance et de résilience. Pour plus d’informations sur les enjeux distributifs de la transition climatique, voir le rapport thématique « Les incidences économiques de l’action pour le climat », publié en mai 2023.
Hans Bruyninckx de l’Université d’Anvers a présenté la notion de « Triple Planetary Crisis » en appelant à se focaliser sur l’urgence climatique et à prendre en compte les limites planétaires et les points de basculement. Il a souligné l’importance des irréversibilités, notamment les pertes et les dommages, ainsi que l’adaptation Les « tipping points » sont non seulement écologiques, mais aussi sociaux et les deux sont connectés. Une bonne gouvernance climatique est positive pour la société, les travailleurs et les entreprises. Il faut surtout améliorer la qualité du débat public et de la démocratie.
Le manque de consensus est un obstacle majeur, d’où l’importance d’au moins parvenir à un consensus scientifique. La notion de « juste » a été questionnée dans le contexte des procédures judiciaires et de la justice intergénérationnelle. Ne perdons pas de vue la transition en visant une approche transformative, et l’action basée sur l’évidence des faits plutôt que sur les valeurs. Les connaissances aussi évoluent…
Présentation du rapport du Haut Comité pour la Transition Juste
Marek Hudon du Haut Comité pour la Transition Juste a présenté un rapport détaillé sur les différentes conceptions de la Transition Juste et les données belges sur les inégalités environnementales et sociales. Tout le monde ne contribue pas de la même manière aux dégradations environnementales : on passe de 4,3 tonnes de CO² à plus de 16 tonnes pour le décile 10. Les inégalités d’impact des événements environnementaux ont été discutées, comme les inondations de 2021 et les vagues de chaleur, qui affectent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables. Les risques environnementaux ont été mis en évidence à Bruxelles, où les populations à faible revenu sont concentrées dans des zones urbaines denses et sont plus exposées aux pollutions de l’air, sonores et du sol.
Bea Cantillon a clôturé cette séance en insistant sur la nécessité de suivre le cadre européen et d’apporter des changements systémiques alignés sur les objectifs environnementaux et sociaux. Le Haut Comité propose ces directives pour les prochains gouvernements :
- Donner la priorité aux instruments qui servent les objectifs environnementaux et sociaux, notamment dans le domaine de la mobilité.
- Faire en sorte que la politique environnementale poursuive des objectifs sociaux, par exemple, en introduisant une taxe carbone redistributive.
- Assurer que la politique sociale devienne écologique.
- Renforcer la sécurité sociale et les investissements sociaux, tout en consolidant les instruments existants de protection contre la pauvreté.
- Élargir la base financière, comme mentionné par Jean Pisani-Ferry.
- Renforcer les mécanismes de protection en cas de calamité et les évaluer régulièrement.
- Promouvoir davantage de travail au niveau local.
- Renforcer la coopération internationale et la solidarité.
- Renforcer la démocratie et le dialogue social, en impliquant activement les travailleurs.
- Mettre en place une gouvernance avec une coordination horizontale et verticale.
- Intensifier l’évaluation et la recherche scientifique.
Bea Cantillon souligne que la Transition Juste n’est pas seulement indispensable : c’est une obligation légale, qui nécessite une mobilisation générale.
Présentation des recommandations de l’Agora citoyenne
L’Agora citoyenne, organisée par Particitiz et Democratic society s’est déroulée durant 4 WE, en septembre et octobre 2023. Les délibérations ont abouti à 24 conditions générales et 47 recommandations, réparties en catégories thématiques : agriculture, mobilité, bâtiments et soins de santé. Des citoyens ayant participé au processus, étaient présents durant les deux journées de la Conférence et ont eu l’occasion de présenter leurs recommandations dans les ateliers thématiques. Le rapport de l’Agora citoyenne sera publié début décembre 2023.
L’apport des administrations fédérales
Martine Vandervennet de l’IFDD a ensuite présenté la contribution des administrations fédérales sur les mégatendances, les enseignements du passé sur les politiques de transition, les enjeux sociaux, les opportunités et les obstacles. Il faut prendre des mesures concrètes pour éviter des conséquences graves sur les publics vulnérables car le coût de l’inaction sera bien supérieur au coût de l’action.
Obstacles identifiés : la complexité, la gouvernance dispersée, les résistances au changement, le coût élevé, le manque de données, et les problèmes internationaux liés au financement climat.
Ces administrations recommandent un modèle de sécurité sociale préventif et axé sur les personnes, et des mesures spécifiques pour les affaires étrangères.
Ateliers thématiques avec la société civile, le monde académique et des experts
Quatre séminaires de travail ont abordé des spécificités pour les domaines de l’agriculture et de l’alimentation, du transport et de la mobilité, des bâtiments et des soins de santé. Ils ont pointé les défis spécifiques à chaque secteur et proposé des solutions pour une transition juste. On s’étonne que le travail fourni en mars 2023 lors des deux journées du Forum de la société civile, n’y ait pas été répercuté. Un rapport de ce forum avait pourtant été publié.
Atelier logement

Recommandations: il faut rendre plus transparente et harmoniser la Performance Énergétique des Bâtiments (PEB) entre les régions, et favoriser les rénovations de groupe. L’idée d’un revenu minimum garanti pour l’accès à l’énergie a été évoquée, ainsi que la nécessité d’impliquer davantage les locataires dans les processus de rénovation.
Atelier mobilité

Recommandations : encourager l’utilisation des transports publics, repenser le système de voitures de société et investir dans de nouvelles technologies pour promouvoir des modes de transport plus durables. L’inclusion sociale dans les nouvelles solutions de mobilité est un enjeu crucial (tout cela n’est pas très concret !)
Atteindre l’objectif climatique de -1,5 °C dans le secteur des transports ne sera pas une mince affaire: les opinions divergent sur l’efficacité des nouvelles technologies, notamment les voitures électriques. En tout cas, il faut renforcer le transport ferroviaire.
Atelier Agriculture-Alimentation :

Atelier déterminants de la Santé :
Les déterminants de la santé englobent des aspects au-delà des facteurs médicaux : facteurs sociaux tels que l’accès aux soins de santé et facteurs environnementaux. Le personnel de première ligne, soit les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux, nécessite un renforcement urgent. L’accessibilité financière et géographique aux soins doit être améliorée. Les problèmes de santé, tels que la pollution, les vagues de chaleur, et les préoccupations alimentaires, ont un impact disproportionné sur les enfants tant au Nord qu’au Sud.
Les assureurs veulent être associés aux plans d’urgence. Une politique de santé doit être élaborée pour et avec tout le monde, y compris les mutuelles, en réduisant la fracture numérique. Une politique qui protège les plus vulnérables, protège tout le monde.
Conclusion de la 1ère journée
La transition en cours n’est pas juste. On a besoin de changements profonds, y compris dans la culture, les formations, les imaginaires. Les investissements des pouvoirs publics sont considérés comme de l’endettement : c’est un problème. Il faut à la fois dégager de nouveaux moyens et réallouer des dépenses actuelles. Des pénuries de ressources s’annoncent ou ont déjà cours. Il faut plus d’attention aux plus vulnérables. La complexité institutionnelle de la Belgique complique la tâche. Une vision interfédérale s’impose, permettant l’écoute des citoyens mais aussi des scientifiques, qui réclament des statistiques plus fines.
Deuxième Journée- 9 novembre 2023
Atelier Financement et Investissement

La voilà organisée en 2023. En prévision et à la demande de la Ministre Khattabi, le CFDD a rédigé un avis cadre unanime prônant une vision concrète coordonnée, pour assurer une meilleure cohérence entre les actions menées par les différentes autorités. Les différents gouvernements devraient plus s’entraider. Le paragraphe 25 concerne la fracture numérique.
Malgré des années de réflexion commune, il n’a pas été possible d’aboutir à des avis unanimes sur le financement et la fiscalité, contrairement à l’avis cadre et à celui sur les ressources et l’énergie.
L’avis sur la fiscalité montre une divergence entre syndicats, ONG environnementales, jeunes d’une part, et employeurs de l’autre, Les premiers insistent sur une fiscalité contribuant à la transition juste et les seconds sur la protection de la compétitivité des entreprises.
L’avis sur le financement de la transition a regroupé d’une part le secteur financier avec les syndicats, les ONG et les jeunes, et d’autre part les fédérations d’employeurs. Pour le 1er groupe, la politique doit se baser sur les besoins en financement et identifier les ressources déjà prévues et les déficits à combler. Les risques sociaux doivent être qualifiés comme des risques financiers. La BNB doit intégrer cette vision et le devoir de vigilance, tel que défini dans une directive européenne. Pour ce groupe, la dette publique peut servir à financer la transition juste via des « social bonds ». Le groupe 2 s’inquiète pour la dette publique et plaide pour des dépenses équilibrées.
Les deux groupes s’accordent sur le rôle de la SFPI (Société Fédérale de Participations et d’Investissement), sur celui des fonds de pension et des autres investisseurs institutionnels.
Invité à réagir, Thomas Dermine, secrétaire d’Etat souligne l’importance de la concertation sociale et déplore la difficulté d’obtenir un consensus. Les employeurs doivent s’attendre à des changements majeurs si la transition est subie ! Quant à l’opinion publique, elle peut régresser comme c’est le cas en Grande-Bretagne actuellement. Evitons de la diviser entre solutions technologiques et comportementales. Il faut les deux.
En réaction, Tom Bauler de l’ULB appelle à aller au-delà de la définition de la transition juste par l’OIT : agir sur l’emploi et l’efficacité ne suffira pas pour atteindre une société plus juste et durable. Dans le domaine environnemental, les objectifs relatifs ne servent à rien. On ne peut pas juste faire mieux. Il faut un découplage absolu.
On ne pourra plus faire grand-chose dans cette fin de législature, mais il y a encore la COP 28 et la présidence belge de l’UE durant le 1er semestre 2024, où seront abordés des points tels que la révision des règles budgétaires, le financement public, le green budgeting, et la nécessité de mobiliser les financements privés. Des participants soulignent des aspects tels que la promotion du co-housing par des mesures fiscales innovantes, l’individualisation des droits sociaux, et le besoin de débattre de la transition au niveau de l’aménagement du territoire.
Atelier Emploi et Formation
Le Conseil National du Travail (CNT) et le Conseil Central de l’Économie (CCE) ont publié des avis consensuels sur la Transition Juste. Du coup, les syndicats déplorent la pauvreté de leur contenu. Ces avis soulignent quand même l’importance de la prévention, du burn-out notamment, et l’efficacité du cadre de l’OIT. La formation continue est prioritaire. Elle nécessite des investissements publics et privés. Les interlocuteurs sociaux doivent jouer leur rôle dans la mise en œuvre des transitions, d’où l’importance de la démocratie au travail. Une approche proactive doit intégrer les politiques sociales et environnementales et assurer des emplois de qualité dans des secteurs en évolution.
Atelier Egalité de genre :

La transition juste doit viser l’élimination de cette ségrégation ainsi que la résolution des écarts de salaires pour parvenir à une véritable égalité des genres. Le travail à temps partiel, souvent subi par les femmes, contribue à des perspectives et rémunérations limitées, d’où la nécessité d’intégrer la dimension de genre dans les politiques, mesures et actions.
Atelier Énergie et Ressources :
L’avis du CFDD met en avant des principes consensuels approuvés 
La ministre de l’Énergie, Tinne Vander Straeten veut unir les forces et compétences pour résoudre les problèmes énergétiques. En même temps, elle insiste sur la décentralisation de la production et la collaboration entre communautés. En Wallonie, le ministre Philippe Henry place la transition comme fil rouge, intégrant les dimensions climatiques dans chaque décision. La représentante du gouvernement bruxellois plaide pour une loi climat et des outils de réduction des émissions CO2, avec une attention particulière pour la précarité énergétique.
Conclusions
Associations et syndicats sont convaincus depuis belle lurette de l’urgence d’une transition juste, comme l’ont rappelé les porte-parole de la CSC et de la FGTB lors de la clôture de la Conférence le dernier soir. Il reste difficile de s’accorder avec les représentants des entreprises sur des mesures concrètes. Le modèle de concertation sociale atteint ses limites quand des mesures transformatrices s’imposent. Est-ce à dire que ce modèle ne peut s’inscrire que dans une perspective réformiste ? Comme on l’a constaté dans l’avis sur le financement, il y a parfois des alliances atypiques dans la concertation sociétale. Elles peuvent contribuer à faire bouger les lignes.
Vu que 2024 sera l’année de toutes les élections, rappelons-nous le proverbe : les politiques passent, les administrations restent… La société civile aussi ! Nous sommes dépositaires du travail engrangé, il nous reviendra de convaincre les nouveaux élus d’acter ces étapes, pour ne pas repartir à zéro. Et dès à présent il nous revient de convaincre l’opinion publique de voter pour des politiques motivés de mettre en œuvre la transition juste !






