Echo par “Lutte Solidarité Travail” d’un échange le 22 octobre 2010 entre deux économistes, Elena Lasida et Christian Arnsperger, et d’autres associations namuroises (le CIEP, Les Grains de Sel, la Maison médicale du Quartier des Arsouilles et l’EFT Le Perron de l’Ilon), à l’initiative de “Vivre Ensemble”.

Acheter moins, même si on a de l’argent

Peu de personnes font ce pas, mais dans certains milieux relativement aisés, c’est parfois “tendance”, donc même valorisant de faire ce choix de vie plus simple. M. Arnsperger et Mme Lasida étaient de passage à Namur pour en parler. LST s’est joint au débat.

C’est important que les classes moyennes réalisent qu’en effet, si tout le monde avait le même train de vie qu’elles, la planète ne pourrait le supporter.

C’est aussi important que ces personnes réalisent que leurs efforts pour une vie plus sobre n’ont rien à voir avec les efforts des plus pauvres, avec ce qu’ils encaissent comme mépris, le regard des autres qui enfonce parce qu’il transpire le ‘c’est de ta faute’. Personne ne choisit la misère.

Résister à la misère, c’est tout autre chose

Les plus pauvres se démènent pour garder la tête hors de l’eau. Le quotidien est fait de tracasseries permanentes pour se justifier, faire valoir des droits élémentaires…

Parfois on est tenté de “forcer le respect”, en achetant des vêtements neufs pour nos enfants par exemple ; pour qu’au moins eux soient bien vus à l’école, irréprochables. La crainte d’un placement de nos enfants n’est jamais loin. On veut qu’ils s’intègrent dans cette société qui n’offre pas de perspectives à tout le monde.

Pour des personnes qui étaient “du bon côté” dès leur naissance, acheter en seconde main pour limiter la production de nouveaux biens, fait partie de la simplicité volontaire. On a confiance en soi et la reconnaissance pour ce qu’on est s’obtient tout autrement (études supérieures, emploi valorisant…).

Le danger, c’est que ce courant de vie simple (mais avec un compte en banque bien renfloué, rassurant) ne soit moralisateur : « Je vis bien avec peu, pourquoi est-ce qu’eux n’y arrivent pas ? ». N’oublions pas non plus par exemple les soins de santé qui alourdissent notre budget. Les souffrances du passé ou le logement humide du moment nous rattrapent souvent.

Changer de cap(italisme)

Le capitalisme ne peut faire autrement que produire des inégalités. Ca fait partie du système. La destruction de l’environnement au profit de quelques-uns en découle également.

Les contours d’un autre système économique sont flous. M. Arnsperger en a évoqué quelques ingrédients, dont certains rejoignent nos préoccupations :

 taxer davantage les revenus confortables,

 augmenter les bas revenus,

 planifier la production de biens en fonction de besoins réels définis collectivement,

 tenir compte des limites des ressources naturelles.

Nos réflexions à ce sujet se construisaient déjà en 1982. Des militants se réunissaient autour de la rédaction de la Charte de LST et prenaient des options fortes qui continuent à éclairer le débat : « La surconsommation entraîne l’enrichissement des plus riches, l’appauvrissement et la dépendance des plus pauvres. (…) Nous voulons vivre une solidarité avec les plus pauvres, solidarité qui soit la plus vraie possible, dans une lutte concrète aux côtés de l’homme opprimé et dans une manière de vivre plus transparente. (…) Vivre avec ce qui est nécessaire, n’est-ce pas aussi une manière de lutter contre une société qui base tout sur le pouvoir de l’argent et de son accumulation au détriment de l’homme ? » (extrait de la Charte fondatrice de LST asbl).

En route ensemble

Trop souvent, les plus pauvres ne sont pas reconnus comme véritables partenaires, notamment dans les lieux de décision, pour pousser à une transformation sociale et économique en profondeur.

A LST, on décode, on se (re)construit, on se mobilise pour être acteur d’une autre société. Le point de départ c’est le vécu des plus pauvres, mais d’autres sont les bienvenus pour rejoindre cette lutte. On ne se libère jamais seul. L’important c’est d’être en route, à travers l’action collective.

« Quelle est cette force étrange qui nous fait accepter l’inacceptable ? »
(Extrait de la pièce de théâtre ‘Le Ressort’ de la compagnie ‘Les Grains de Sel’)