Ce jeudi 3 mai, lors d’une audition par les Président(e)s des commissions parlementaires du Parlement Wallon, LST, ATD, IEW et Associations 21 ont questionné les mécanismes qui produisent la misère et limitent le droit à l’alimentation comme l’accès à l’énergie: en suivi du 17 octobre 2011, journée mondiale du refus de la misère… Et en prévision du 17 octobre 2012!
Rencontre associative et parlementaire du 3 mai 2012.
Introduction
Ceci est une synthèse des éléments que nous voulions mettre en évidence lors de la journée du 17 octobre 2011 et ce dans le cadre des projets d’interpellation en Région Wallonne. Ce document relate les balises de contenu concernant nos différentes interventions du 3 mai avec les parlementaires. Synthèse réalisée par LST à travers les différents documents du 17 octobre et d’Associations 21.
1 . Historique et rappel de la journée du 17 octobre.
Chaque année, le 17 octobre, les mouvements Luttes Solidarités Travail et ATD Quart Monde se réunissent au Parlement Wallon pour une cérémonie devant la dalle commémorant les victimes de la misère.
En 2011, avec Associations 21, ces mouvements invitaient les associations actives dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation durable à partager leurs points de vue et expériences, dans une volonté commune de promotion des droits humains, au Nord comme au Sud de la planète.
But et objectifs de cette rencontre :
- Outre cette symbolique, réunir à la fois les familles les plus pauvres actives dans des associations de lutte contre la pauvreté, et les associations apportant une réflexion sur les enjeux Nord-Sud et la question de l’alimentation.
- Construire une grille d’analyse commune et dégager un ou deux éléments « clés » à mettre en avant dans l’évaluation des politiques visant la « durabilité » : législations, options énergétiques, modes de production et de consommation, participation citoyenne, équilibre des échanges Nord Sud, etc…
L’idée étant que de telles évaluations des politiques devraient devenir obligatoires en Wallonie (cfr EIDDD ou « tests de durabilité » au niveau fédéral).
- Mener cette réflexion commune dans la continuité de celle de LST et ATD sur la Conditionnalité des droits : le collectif des associations partenaires du suivi du Rapport Général sur la Pauvreté souhaite questionner une ambiguïté fondamentale dont sont victimes les plus pauvres : pourquoi le droit, censé garantir la dignité et l’égalité pour toutes et tous, génère-t-il si souvent le contraire dans son application au quotidien ?
2. Ce 3 mai 2012, Que faisons-nous ?
Cette rencontre se situe dans la continuité de ce qui a été amorcé le 17 octobre 2011. Il s’agit de mettre au centre des réflexions sur le Développement Durable, ce que les plus pauvres ont à dire et ce au départ des résistances à la misère qu’ils ont développées.
Nous questionnerons les parlementaires à propos de plusieurs thématiques : l’arme alimentaire qui est à l’œuvre au Nord comme au Sud sur les plus pauvres, les enjeux du Développement Durable au regard de ce que les plus pauvres vivent (habitat, droit à la famille, accès à l’énergie, sécurité d’existence,…).
Nous continuerons la réflexion sur l’évaluation des politiques visant la durabilité et sur les problèmes causés par la conditionnalité des droits.
Tout cela en lien avec l’évaluation des Objectifs du Millénaire, la préparation de Rio + 20,…
Cette réflexion constitue une étape importante de la concertation sociétale pour le développement durable en Région Wallonne, menée par les associations précitées et soutenue par le Gouvernement Wallon. De cette façon, nous entendons contribuer à la refondation du Pacte Social en permettant à la diversité associative de se faire entendre au même titre que les autres partenaires sociaux (employeurs et syndicats).
3. Les objectifs de Rio mis a mal ?
La Coalition Belge Rio+20, qui réunit les syndicats, les organisations de solidarité internationale, les organisations de femmes, les ONG environnementales, le Forum social de Belgique et les plateformes de développement durable dont Associations 21 et ses membres, a publié un plaidoyer, en vue du sommet des Nations Unies à Rio en juin 2012. On y retrouve des éléments qui sont aussi valables pour l’évaluation des ODM (Objectifs Du Millénaire). Une telle évaluation devrait d’ailleurs être le préalable à tout débat relatif à la fixation d’« Objectifs de Développement Durable » (SDG).
On constate ainsi que « de nombreux efforts ont été fait pour décliner le développement durable (social, économique et environnemental) à tous les échelons politiques : de l’international (dans la déclaration de Rio) au local (agendas 21) en passant par le national (plans pour le développement durable). Cependant, force est de constater que ces efforts sont neutralisés par de fortes régressions, tant au niveau social qu’écologique.
Il est crucial d’établir un état des lieux du chemin parcouru depuis 1992 et en tenant compte des engagements onusiens qui ont marqué la dernière décennie du XXe siècle. Le sommet « Rio+20 » doit prendre la mesure de l’impasse environnementale et sociale dans laquelle l’Humanité s’est engouffrée. Nos chefs d’Etat et de gouvernement doivent s’attaquer aux causes des crises globales afin de réduire les inégalités, entre les pays et à l’intérieur de chacun d’entre eux. A l’heure du constat de la multiplication des crises et de leur interdépendance, Rio+20 est l’opportunité de remettre au centre le concept de durabilité sociale, environnementale et économique, et non de se contenter de promouvoir l’« économie verte » comme la solution à tous les maux. La reconnaissance des biens communs est une condition sine qua non pour éviter la marchandisation des ressources qui déposséderait les peuples de leurs ressources et de leurs droits ».
La Coalition belge Rio+20 (…), appelle dès lors « la Belgique, l’Union européenne et les dirigeants du monde entier à faire du Sommet Rio+20 celui d’un changement de paradigme vers un monde durable.
Promouvoir des sociétés durables signifie construire un modèle où les trois dimensions sont intégrées, où l’économie est au service d’objectifs sociaux dans les limites du système écologique. En d’autres termes :
assurer la justice sociale et le bien-être, et donc éradiquer la pauvreté et les inégalités sociales et de genre ;
à l’aide des moyens économiques, ce qui suppose de revoir nos modes de consommation et de production (SCP) et la redistribution des richesses ;
dans le respect et le retour aux limites environnementales de la planète, ce qui inclut la préservation des ressources naturelles et des services qu’elles rendent.
Nous sommes encore loin de ces résultats… »
4. En comparaison avec ce que vivent les plus pauvres aujourd’hui…
Sur la dalle en l’honneur des victimes de la misère, dont une des répliques est posée sur les murs du Parlement Wallon à Namur, il est écrit « la misère est une violation des droits de l’ homme ». Le Mouvement LST pense que cette violation trouve bien souvent ses causes dans la possibilité donnée à quelques uns d’accumuler et d’accaparer de nombreuses ressources… Ressources rendues ainsi moins disponibles pour le plus grand nombre. LST constate ces mécanismes d’accaparement dans le logement, les moyens économiques, l’eau, la terre,…
Ce faisant, on crée la pénurie pour de nombreuses populations. Les lois qui permettent de tels accaparements pour certains et la pénurie de l’essentiel pour un grand nombre, constituent autant de violations des droits humains. Ce mécanisme agit comme une véritable « arme alimentaire » utilisée contre les plus pauvres.
En effet, il est facile de contraindre des personnes à qui il manque l’essentiel de travailler pour de faibles rémunérations, ou de répondre aux exigences des puissants. « Tu fais ce qu’on te dit ou tu meurs de faim ». C’est vrai dans les pays pauvres par rapport aux pays riches, mais c’est aussi vrai pour les plus pauvres dans les pays riches. Ainsi en est-il de plus en plus pour les activations à l’emploi, l’accès au logement social, le droit de vivre en famille… Et tant d’autres problèmes que vivent les plus pauvres.
Ce sont donc aussi souvent les lois faites pour protéger le plus faible qui fragilisent et poussent à la misère. LST en fait le constat dans une analyse sur la conditionnalité des droits réalisée avec les associations partenaires du suivi du Rapport Général sur la Pauvreté (RGP).
L’application de certaines lois prive des personnes et des familles des moyens d’existence. Par exemple, lorsqu’on nous supprime des allocations de chômage ou le RIS (Revenu d’Intégration sociale), ce sont alors tous les moyens d’existence qui disparaissent.
Ces situations sont vécues par de nombreuses familles et des proches. Ce n’est donc pas l’absence de droit qui est mise en cause ici. C’est la mise en œuvre de certaines législations qui amène ces situations de misère. Équilibre budgétaire, réduction du taux de chômage, évacuation des zones d’habitats précaires où nous trouvons refuge, menace de placement des enfants etc.…Ces tensions permanentes que nous subissons sont aussi une violation des droits humains.
Ce que nous demandons, c’est que les droits humains soient respectés pour chacun et parmi ceux-ci, la possibilité de subvenir à ses besoins, librement et dignement ; des moyens pour une vie de famille; un accès véritable à l’éducation; la possibilité de se nourrir sans passer par des systèmes spéciaux pour « pauvres, »; l’accès à l’habitat, à l’eau, à l’énergie, … de manière digne au regard de la société dans laquelle nous vivons. Tout cela, par notre force de travail, quand nous en avons la possibilité, dans des conditions de travail décentes, avec un revenu décent … Et pas par de prétendues activations qui n’ont pour conséquence que de pousser tous les travailleurs « vers le bas » et les plus pauvres dans une misère encore plus grande. Pour cela, c’est important que chacun se mobilise pour faire valoir ces droits pour tous, une vie digne pour chacun. Tous, là où nous sommes, par notre droit de vote, par notre parole, par notre manière de vivre,…
5. Dialogue au long cours
Lors des échanges dans les différents ateliers de la matinée du 17 octobre et le moment autour de la Dalle, nous avons entamé un dialogue entre le plus pauvres et d’autres représentants de la société civile qui militent aussi sur des matières qui interrogent le Développement Durable. Nous accordons une grande attention à des questionnements qui partent de la vie des plus exploités et qui apportent un point de vue nouveau.
Nous entendons poursuivre ce dialogue entre les différentes approches relatives au Développement Durable, en y intégrant la pensée et la parole de celles et ceux qui subissent le plus l’exploitation outrancière de l’humain et de la nature, à savoir les plus pauvres.
Le 17 octobre 2012, nous projetons d’ailleurs de nous réunir à nouveau pour aborder de manière « croisée » des questions qui soulèvent des atteintes aux droits fondamentaux des personnes et familles les plus pauvres.
Dans le cadre d ‘ASS21 nous aborderons les thématiques du logement et de l’énergie, sur base du questionnement des plus pauvres : pour ce faire, une position paper « Habitat » d’Associations 21 est en cours d’élaboration ; nous disposerons alors aussi de la note d’analyse d’IEW sur les certificats blancs et la tarification progressive de l’énergie. Nous inviterons à ce débat le RWADE -( Réseau Wallon d’accès durable à l’Energie.)
Ce questionnement des plus pauvres à propos de notions et objectifs clés du Développement Durable est porteur de sens pour toutes les parties prenantes au dialogue sociétal comme pour les gouvernants.
Faire mûrir ce dialogue prend du temps… Mais ce faisant, nous tenons à nous faire entendre !
Pour en savoir plus:
Compte-rendu de la journée du 17/10/11
Synthèse des ateliers
Texte du témoignage lu devant la dalle
Bibliographie
Note d’IEW sur la tarification progressive de l’énergie: pdf à télécharger IEW sur la tarification progressive (certificats blancs)
Associations organisatrices:
Mouvement Luttes Solidarités Travail (LST)
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