Le lundi 9 octobre, le Conseil fédéral du développement durable (CFDD) a organisé une conférence sur « Les jeunes et le climat ». Objectif : favoriser un dialogue inclusif et élargir la base sociale pour faire face aux défis climatiques. L’éducation est un élément clé pour préparer et responsabiliser les jeunes face aux problèmes climatiques, de l’avis des jeunes eux-mêmes qui souhaitent contribuer à la recherche de solutions et déplorent le manque de programmes en ce sens dans l’enseignement de plein exercice.

Séance plénière

En introduction, Patrick Dupriez, nouveau président du CFDD et Jean-Pascal van Ypersele s’accordent sur l’urgence d’unir les jeunes et les adultes dans la lutte contre le dérèglement climatique. Les jeunes sont les principales victimes des événements climatiques, avec des millions d’enfants déplacés par des inondations, des tempêtes, des sécheresses et des incendies. Au vu des chiffres actuels, déjà préoccupants, quelle sera l’ampleur des conséquences lorsque le dérèglement climatique s’intensifiera ? ” La crise climatique est une crise existentielle, nous devons agir maintenant. Nous ne pouvons plus nous permettre de parler de croissance économique éternelle et de profits illimités dans un monde fini. La logique de notre système économique actuel est en train de détruire notre planète, et si nous ne changeons pas de cap rapidement, il sera trop tard”, a déclaré Greta Thunberg.

Ensuite, parole aux jeunes : Daan Vandenberghe du Vlaamse Jeugdraad et Jean Servais du Forum des Jeunes plaident pour le droit de chacun à un avenir viable. L’éducation sur le climat et la durabilité devrait occuper une place plus importante dans le système éducatif. La mise en œuvre d’actions concrètes et de solutions pratiques devraient être au cœur d’un apprentissage transversal dès la maternelle jusqu’au niveau supérieur. Les jeunes sont inquiets pour leur avenir et cherchent à approfondir leur compréhension des enjeux liés à la crise climatique. Ils aspirent à acquérir des connaissances sur les causes et les conséquences de cette crise, ainsi que sur ses liens avec d’autres enjeux, dans le but de développer des solutions potentielles.

Concrètement, ils demandent une éducation au climat dès la maternelle et tout au long du cursus scolaire : de manière structurée et en s’appuyant sur le vécu des jeunes, et la gestion des émotions liées aux enjeux climatiques. Les jeunes sont réceptifs à l’utilisation de moyens de communication créatifs et de méthodes innovantes axées sur la pratique, ainsi qu’à une éducation par les pairs.

Les étudiants, en particulier ceux issus de milieux défavorisés, réclament des approches plus concrètes de l’éducation à la durabilité, mettant l’accent sur la justice climatique. Les enseignants manquent souvent de temps, de compétences et de ressources pour enseigner la durabilité, mais il existe de nombreuses opportunités, notamment la motivation et l’engagement personnel des étudiants ainsi que de nombreux outils mis au point par le secteur associatif et les pouvoirs publics.

Ces revendications ont été soutenues par Céline Grandjean (Réseau IDée), Natacha Sensique (Réseau IDée) et Claudio Foschi (Service d’inspection de l’enseignement secondaire de transition et de qualification) lors de leur bilan sur l’éducation au climat et à la durabilité dans l’enseignement obligatoire francophone. Ensuite, Tom Kuppens (Prof. UHasselt/VUB) a offert un regard croisé sur les similitudes et les différences entre l’enseignement primaire néerlandophone et francophone.

L’analyse des programmes scolaires en lien avec l’éducation au climat et à la durabilité dans l’enseignement pointe la nécessité de repenser ces programmes en intégrant une approche systémique entre les différentes matières enseignées. Cela nécessite également l’intégration de compétences normatives et stratégiques, ainsi que des compétences interpersonnelles dans le cadre de l’éducation à la durabilité. Une étude menée par l’UCLouvain souligne les préoccupations des jeunes face au changement climatique et met en lumière les lacunes de l’éducation actuelle en matière de durabilité.
Les experts préconisent des partenariats entre chercheurs, enseignants et étudiants pour encourager la cocréation de programmes répondant aux préoccupations des jeunes. Cette approche collaborative encourage la formation d’alliances entre intervenants externes et enseignants. Le Réseau IDée favorise la mise en réseau des acteurs impliqués dans l’éducation au climat et à la durabilité, en organisant des événements et en travaillant sur des outils pratiques pour intégrer ces questions dans les programmes scolaires.

Leurs recommandations pour l’avenir reposent sur la conviction que la sagesse et l’engagement des jeunes sont essentiels pour relever les défis de la société contemporaine. Leur ouverture d’esprit et leur créativité favorisent le changement et la résolution des problèmes climatiques et environnementaux.
Comment faire, vu l’évolution lente des référentiels éducatifs ? Les experts prônent une approche pragmatique. Tout d’abord, la durabilité doit être intégrée dans la formation initiale et continue des enseignants. La mise en œuvre de projets concrets axés sur la durabilité au sein des établissements scolaires est aussi un moyen efficace de sensibiliser les élèves et les enseignants à la réalité des enjeux.
Il faut aussi réfléchir au rôle des disciplines enseignées et à leur transversalité : L’éducation au climat ne peut être subordonnée aux objectifs disciplinaires et doit favoriser un équilibre entre les approches disciplinaires et transversales.

Le “Pacte pour un Enseignement d’Excellence”, visant à améliorer la qualité de l’enseignement de la maternelle à la fin du secondaire, prévoit la mise en place d’un tronc commun jusqu’à la fin de la 3ème secondaire, avec des contenus d’apprentissage modernisés et des référentiels plus précis et systémiques.
Des projets tels que l’Education relative à l’Environnement (ErE) lancés par le réseau IDée et Ecotopie peuvent être valorisés pour renforcer l’éducation à l’environnement dans les programmes scolaires. L’ErE vise à intégrer l’éducation relative à l’environnement de manière continue.

Dans l’enseignement supérieur néerlandophone et francophone, de nombreuses initiatives permettent de renforcer les compétences des (futurs) enseignants et professeurs de l’enseignement supérieur, en intégrant la durabilité comme cadre essentiel pour mieux préparer les jeunes à un avenir orienté vers la transition. Il reste des défis à relever, vu le manque de temps et de compétences des enseignants, ainsi que le fossé entre les connaissances théoriques et les actions concrètes, à combler pour favoriser une plus grande cohérence et l’engagement des étudiants.

La promotion d’initiatives pratiques, comme la création d’entreprises durables favorise la compréhension concrète de la durabilité. Les partenariats entre chercheurs et enseignants doivent être soutenus pour une intégration plus complète de l’éducation à la durabilité dans les programmes d’études. Idem pour l’implication croissante des étudiants dans des approches concrètes. Les institutions et les politiques jouent un rôle crucial dans l’intégration de la durabilité dans tous les aspects de l’éducation.

Bref, écoutons les jeunes et impliquons-les activement dans les initiatives pour un avenir durable. Des animateurs externes soutiennent les enseignants, tout comme des réseaux tels que Réseau profs en transition qui favorise le partage de contenu et d’expériences.

Marina Gruslin d’EFDD souligne qu’il est essentiel de lutter contre la privatisation de l’éducation à la durabilité et de maintenir l’optique du service public, car certains services apparemment gratuits peuvent impliquer des coûts cachés pour les étudiants, et doivent donc rester accessibles à tous. Une participante néerlandophone a évoqué les commons.

Ateliers

L’après-midi, l’équipe de l’association 21 a participé à des ateliers :

Christophe Vermonden de Bruxelles Environnement animait un atelier sur l’éducation à l’environnement. Sa grille de lecture :  la capacité d’action individuelle et collective au niveau d’une organisation, l’importance de la conscience critique, la valorisation des compétences, la participation et l’estime de soi. Et enfin, l’autonomie des enseignants dans l’utilisation des outils qu’il présente : de nombreuses ressources sont disponibles sur les sites de Bruxelles Environnement, du SPF Santé Publique, de la DG Climat, de la Wallonie et de e-classe.be. Exemples : Le programme Eco-Schools, les Repair Cafés, les initiatives d’Ecoteens, ainsi que des campagnes axées sur la sensibilisation à des problématiques spécifiques. Attention : l’efficacité de ces initiatives n’est assurée qu’avec un engagement à long terme et un suivi rigoureux.
Il y a aussi des sources de financement disponibles pour des projets, tout en veillant à rationaliser ces ressources. Beaucoup d’associations proposent un accompagnement des enseignants, autant de catalyseurs potentiels pour des initiatives durables.

Koen Thewissen présentait l’atelier « Comment vendre la durabilité ? » L’engagement en faveur de la durabilité dépend à la fois de l’intuition et de la rationalité dans le processus décisionnel. Or l’enseignement repose principalement sur la rationalité. D’où l’intérêt de techniques de communication pour susciter l’engagement.

Koen Thewissen identifie 5 biais stratégiques pour promouvoir de manière efficace l’action climatique. Il s’agit d’abord, de se concentrer sur des consensus pour éviter la polarisation des discussions. Ensuite, le “framing”, met en avant l’importance du choix des mots et du langage pour rendre le message accessible au public cible. Une approche positive et l’utilisation de terminologies non négatives maintiennent l’attention du public. Les solutions d’action climatique doivent être présentées de manière attrayante en mettant l’accent sur le futur proche plutôt que sur le long terme, afin de surmonter la résistance face aux solutions contraignantes. Enfin, Koen Thewissen explique le “paradoxe du choix” : plus on a de choix, plus on a de difficultés à choisir. Moins on a de choix, plus on a de frustrations. Sa solution : diviser la vie en différents domaines et établir des plans en trois étapes pour faciliter la prise de décision.  La « pré-suasion » rend le public réceptif au message que l’on s’apprête à lui transmettre.

Enfin, Axel Pleeck animait l’atelier “De la controverse climatique à la connexion climatique : comment organiser un dialogue constructif en classe ?”.  Sa « recette » :10 compétences clés pour favoriser un dialogue constructif en classe sur les questions climatiques. Et des techniques pratiques telles que la mémorisation des prénoms des participants pour favoriser l’investissement personnel, la vérification régulière de l’écoute et la reformulation pour impliquer les participants distraits.

Il est évidemment fondamental de poser des questions pertinentes et claires, de laisser de la place à l’expression de chacun et de ralentir les échanges pour encourager la réflexion. Il faut aussi synthétiser les idées et gérer les prises de parole trop longues pour maintenir un équilibre dans le dialogue. Et expliquer la différence entre la persuasion et l’argumentation, pour encourager l’écoute active et le respect mutuel des points de vue. Enfin, déconstruire les présupposés les participants à prendre conscience de leurs préjugés.

 

Pour alimenter le débat et avancer ensemble de manière constructive, le CFDD a publié une page d’inspiration reprenant des liens utiles, des documentations et des réflexions sur le thème de l’éducation au climat et à la durabilité.