Dans le cadre du groupe de travail « Habitat durable », la question sociale s’est invitée. Sommes-nous tous égaux dans le choix de notre projet de logement ? La législation et les modes de pensée de la solidarité au sein de notre société ne sont pas toujours favorables au « développement durable » de certains modes de « vivre ensemble ». En guise d’état des lieux des différents publics concernés nous présentons ici une typologie basée sur une étude de l’asbl Habitat & Participation.


Si actuellement il est beaucoup question d’habitat groupé et que celui-ci s’avère économiquement intéressant pour les travailleurs et généralement positif pour l’environnement, l’aspect social est plus problématique.

Pour certains allocataires sociaux, se regrouper pour s’entraider et ainsi vivre dans de meilleures conditions présente le risque de voir ses allocations (qui sont souvent de survie) réduites. Selon les situations présentées ou évaluées par les services sociaux, si certains allocataires parviennent à garder l’entièreté de leurs allocations, ce n’est pas toujours possible et surtout pas prévisible. Un tel risque n’incite dès lors que peu d’allocataires sociaux à oser prendre le risque de tenter une aventure collective, perdant de ce fait une opportunité d’améliorer leur bien-être. D’une manière générale, bien des solidarités de base sont mises à mal et détruites à cause des suspicions de fraudes. Dans une situation d’urgence, plus personne n’ose aider personne. Héberger un ami dans le besoin devient un problème. Seuls les pensionnés sont quelque peu protégés puisque le législateur a prévu que parents âgés et enfants puissent vivre ensemble sans pénalité.

La typologie suivante se propose de distinguer différents types de publics pour lesquels les enjeux de l’habitat groupé diffèrent :

1. Personnes disposant de ressources financières & culturelles : dans leur cas, la dimension participative et la dynamique communautaire risquent d’être banalisées par certaines pratiques qui tendent à se commercialiser. Ainsi, des promoteurs vendent de l’habitat groupé clé sur porte… Pourquoi pas, mais dans ce cas, on retombe dans des logiques individuelles et consuméristes qui ne distinguent plus l’habitat groupé des copropriétés classiques en immeubles ou des lotissements. Il revient aux porteurs de projet (qui n’ont pas besoin d’aide mais plutôt de conseils) d’être attentifs à de telles dérives.

2. Personnes disposant de ressources culturelles mais pas financières : ces personnes manifestent beaucoup de volonté mais faute de moyens, subissent des frustrations voire la précarisation pour ceux qui se refusent à construire en dur. Ainsi, une personne au chômage qui souhaite auto-construire son habitation, risque des poursuites. Ces personnes sont confrontées à la méfiance des autorités publiques pour des raisons urbanistiques ou autres. Les concernant, on plaidera pour que l’expérimentation reste possible, au-delà des standards généralement admis par la société dans son ensemble.

3. Personnes n’ayant ni ressources culturelles ni ressources financières et n’étant pas accompagnées : celles-ci ne sont pas toujours conscientes de l’opportunité qu’un habitat groupé peut représenter pour elles. Leur principal souci est d’assurer leur sécurité d’existence. Certaines pratiquent l’habitat groupé précaire par nécessité, par exemple dans les campings. Elles vivent alors sous la menace constante d’une expulsion.

4. Personnes sans ressources et ayant besoin d’un accompagnement : on pense ici au public des centres d’hébergement pour qui ce type de logement implique peu d’avantages et beaucoup de contraintes. Parmi celles-ci, la cohabitation forcée durant laquelle l’individu subit le contrôle social.

5. Personnes âgées en attente d’une place dans une maison de repos : on constate dans ce domaine un énorme décalage entre offre et demande. La normalisation des maisons de repos répondait à une nécessité vu les conditions d’accueil parfois scandaleuses qu’ont vécu par le passé de nombreux pensionnaires de ce type d’institution. De plus, la standardisation a condamné de nombreuses institutions de petite taille qui étaient appréciées pour leur caractère convivial En conséquence, les institutions « survivantes » agréées ne peuvent répondre à la demande, les listes d’attente s’allongent, et surtout le prix de l’hébergement est prohibitif eu égard au montant moyen des pensions. A présent, on voit se redéployer des institutions de type « « Abbeyfield » mais celles-ci, de par leurs critères d’accès, s’adressent de facto à un public ciblé. Vu le vieillissement de la population, il est nécessaire de prévoir plus de maisons de repos accessibles à un public défavorisé.

En conclusion, le fait que le coût du logement incite à la collocation ou à diverses formes de copropriétés n’est pas entièrement négatif puisqu’il ouvre la voie à diverses formes de vivre ensemble voire d’expérimentations de la « sobriété heureuse ». Cependant, dans le même temps, la dualisation et la « gentrification » de nos cités et villes marginalisent toujours davantage les moins nantis. C’est pourquoi, vu le contexte général qui défavorise les cohabitants, les membres d’Associations 21 tiennent à souligner que chacun doit pouvoir rester libre de vivre comme il ou elle l’entend. L’habitat groupé n’est une belle expérience que si c’est un choix. Ce choix ne doit être ni prôné ni sanctionné. En aucun cas, la solidarité ne devrait être pénalisée.