Depuis 1972, le mouvement Lutte Solidarité Travail rencontre des habitants des campings, parcs résidentiels et autres domaines touristiques. LST a donc suivi avec attention l’élaboration des plans du Gouvernement Wallon en matière d’habitat dit “permanent” (HP) et leur évaluation. Constats et recommandations, à l’heure où la crise économique frappe durement les ménages wallons.

Habitat permanent: un peu d’histoire… Telle que vécue sur le terrain

LST rencontre prioritairement dans les campings, parcs résidentiels, domaines, villages de vacances, des personnes et des familles qui vivent la grande pauvreté. Elles ont donc un visage, vivent, souffrent, sont inquiètes et ont peur face à l’incertitude que leur réserve le pouvoir politique par rapport à l’avenir de leur logement.

Depuis les années 80 et les chocs pétroliers jusqu’aux krachs boursiers et financiers actuels, des personnes et des familles de plus en plus nombreuses, par choix ou par obligation, habitent de manière permanente dans les zones de loisirs.

Entre 1972 et 1980, LST rencontre parmi d’autres ce type d’habitat précaire. « Suite au décès d’un enfant sur la décharge habitée par plusieurs familles à Denée, une émission de la RTBf réalise une « chronique » sur la vie quotidienne de la famille d’Albert Harte [[Albert Harte raconte sa vie et ses envies à Jean- Claude Defossé, ….. « Des pareils à nous autres » Autant Savoir RTBF 1980.
www.mouvement-lst.org/documents/2010-06_courrier_domaines_12.doc]]. On y découvre les résistances à la misère de ces familles qui vivent depuis plusieurs générations dans des habitats précaires ou des caravanes. C’est l’expression des espoirs profonds, des souffrances, la confrontation au mépris des habitants du village, l’incompréhension dans les écoles et les administrations [[(« Un habitat en résistance à la misère », contribution de LST à la concertation Pauvreté-Habitat alternatif, organisée par le Service de Lutte contre la pauvreté).]]

A ce moment, notre dynamique de rassemblement avec les populations les plus fragilisées s’élargit à des personnes et des familles qui habitent dans différents quartiers de Namur ou dans des habitats précaires, caravanes, baraquements etc.

Viennent ensuite les actions de mobilisation avec des résidents dans des habitats permanents en camping. Elles remontent aux années 90.
En région namuroise, il y a eu la fermeture du camping de Temploux mais aussi la suppression de la plupart des terrains privés qui accueillaient ça et là une roulotte ou des caravanes.

Très vite, les groupes locaux de LST dans les régions de Ciney, Marche et aussi Andenne sont confrontés à des expulsions de résidents permanents et se mobilisent avec les habitants qui vivent dans des infrastructures touristiques.

Le Rapport Général sur la pauvreté (1995) attirait déjà l’attention sur l’habitat dans ce qu’on appelait génériquement les campings en posant la question : « Ultime refuge ou alternative intéressante ? » [[Rapport général sur la pauvreté]]. Les associations qui participaient à ce dialogue sont d’accord pour dire que « toute forme d’habitat, même transitoire, doit rester décente. »

L’accès à un logement décent, accessible financièrement, maîtrisable quant à sa superficie, et plus encore au niveau énergétique, est difficile sinon impossible pour les plus pauvres dans le marché traditionnel du logement.

Quand le Gouvernement Wallon s’en mêle

Face à l’inaccessibilité du droit au logement pour tous, nous trouvons important de leur reconnaître cette capacité de trouver, d’inventer un mode de logement en résistance à la misère.
Le gouvernement wallon a adopté en 2002 le plan d’action pluriannuel relatif à l’habitat permanent dans les équipements touristiques. Le but est de permettre le départ et d’accompagner les habitants qui désirent s’en aller sur base volontaire. La phase 1 vise le relogement de tous les habitants des campings et des infrastructures de loisirs situées en zone inondable. Un peu plus tard la phase 2 concerne les habitants des infrastructures hors zone inondable. Soit on continue à vivre en zone de loisirs, soit il faut partir, soit on passe en zone d’habitat moyennant le respect de certains critères liés à la zone d’aménagement du territoire.

Depuis le début du plan HP, il y a un sentiment d’insécurité chez les habitants. Le principe de respecter le départ volontaire n’enlève pas cette pression vécue au quotidien. Quoi pour demain ? Ceux qui vont pouvoir rester, ceux qui vont devoir partir sur base volontaire…A qui le tour ? Et ce qu’on a investi dans cet habitat ?

L’évaluation du plan HP a eu lieu en 2009 (voir deuxième rapport d’évaluation-analyse de l’impact du plan HP). Si l’on se tient à ce qui se passe au niveau des habitants, 843 ménages ont été relogés et au moment même on constatait qu’il y avait au moins autant sinon plus d’habitants qu’au début. Cette évaluation a donné l’actualisation du plan HP en cours à ce jour. Elle a suscité la mobilisation sans précédent du secteur associatif présent sur le terrain, à cause de l’absence de concertation et du passage en force des 70 mesures. Un collectif d’associations autour du plan HP voit le jour.

Constats et recommandations

Pour les associations qui travaillent sur le terrain et pour les habitants, l’actualisation du plan HP est vue comme un obstacle à l’accès à une forme alternative – en résistance à la misère – d’habitat à un moment de crise aigüe du logement, où le pouvoir public ne parvient pas à amener des solutions.

Il y a le plan de la Région wallonne. Il y a aussi la façon dont les communes se situent par rapport aux habitants. On se sert du plan pour se débarrasser des habitants malvenus sur le dos des communes voisines. On laisse pourrir la situation. Ou on s’engage avec les habitants dans une concertation pour construire un avenir, améliorer la qualité de vie.

On ne peut pas ignorer non plus l’état défectueux des routes, de l’éclairage public, du ramassage des déchets, des installations de distribution d’eau et d’électricité. Ce qui place donc ces habitants dans des situations difficiles. Certaines communes prennent des décisions responsables, cherchent des financements pour améliorer la qualité de vie. D’autres non.

Nous devons encore constater que jusqu’à ce jour, dans le code wallon, la caravane n’est pas reconnue comme un logement.

L’actualisation du plan HP, jusque-là au niveau de l’intention puisqu’il n’y a pas encore d’arrêté d’application à ce sujet, dit dans sa mesure 33 : « Introduire dans le Code du Logement une possibilité de déroger à la définition du logement afin de permettre au Gouvernement d’intégrer les modes d’habiter alternatifs ou innovants en distinguant la forme de l’habitat et les modalités d’occupation de l’habitat. »
« Il est important de reconnaître l’habitat permanent dans les campings et zone à vocation touristique comme une forme de logement à part entière. « Vu l’engorgement et la cherté du parc de logement dans toutes les régions, et comme le montre la récente évaluation du plan HP pour la Région Wallonne, il est impossible d’assurer un relogement effectif de toutes les personnes qui habitent de manière permanente dans les campings ou les zones touristiques même si l’on s’en tient aux personnes qui le désirent. » [[Rapport bisannuel 2010-2011 Contribution au débat et à l’action politique. Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale]].

Il conviendrait donc de légaliser la situation des personnes qui vivent dans ces lieux et d’améliorer ce qui existe déjà.