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Message universel

Pour rappel, la marche principale a démarré à New Delhi le 2 octobre 2019, jour du 150ème anniversaire de Gandhi. On peut suivre sa progression sur facebook. D’autres marches démarreront durant l’été 2020 dans différents pays dont la Belgique, pour les rejoindre à Genève le 25 septembre 2020, précisément 5 ans après l’adoption de l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de Développement Durable (ODD), par l’Assemblée Générale de l’ONU.

Le message commun qui sera adressé aux institutions onusiennes ayant leur siège à Genève, se base sur 4 grands thèmes largement partagés :

  1. Eradication de la pauvreté (ODD1),
  2. Elimination de la discrimination sociale (importante en Inde mais aussi chez nous vu l’origine sociale et la propriété comme déterminants des inégalités – ODD 10)
  3. Environnement : il s’agit de sortir de l’économie extractive qui exploite et pollue (ODD 8 à 15).
  4. Mettre fin aux conflits (ODD 16) : le mouvement d’inspiration gandhienne Ekta Parishad (qui signifie « forum de l’unité ») insiste particulièrement sur la résolution non violente des conflits : c’est un objectif mais aussi un moyen. La non-violence n’est pas une forme de passivité. C’est une manière efficace de résister quand on est moins bien armé que ceux qu’on veut combattre et où la violence nous trouverait perdants. Il s’agit donc d’un outil de désobéissance civile, de non coopération avec les autorités, si nécessaire.

Toute contribution pour concrétiser ce projet est bienvenue, que ce soit au niveau logistique ou au niveau du plaidoyer. Ainsi, il sera proposé à l’ONU que la décennie 2020-30 soit une décennie internationale pour la paix.

Olivier De Schutter et d’autres activistes des droits humains proposent qu’à Genève, on renforce la pression citoyenne pour une mise en œuvre de diverses résolutions internationales :

Jai Jagat est l’occasion de faire passer des messages suffisamment consensuels, pour renforcer la pression sur les gouvernements pour une économie non violente.

Les étapes

Le 21 novembre, on comptabilisait 51 jours de marche en Inde depuis le 2 octobre, et 1000 km parcourus, donc plus de 20 km par jour. Ils s’approchaient alors de Bhopal, où s’est tenu du 30 novembre au 2 décembre le “Jan Utsav Youth Conclave”. Celui-ci a été largement relayé par les médias indiens. Avant cela, les 50 marcheurs Indiens et internationaux étaient passés par le siège d’Union Carbide de sinistre mémoire (explosion d’une usine chimique en 1984 qui a fait environ 20.000 morts).

Erik todts nous fait un topo de la suite de la marche : vu les problèmes politiques entre le Pakistan et l’Inde à propos du Cashemire, il ne leur sera pas possible d’aller au Pakistan. Une délégation népalaise et internationale y représentera les Indiens. Pour le passage en Iran en février prochain, les récents événements (manifestations dans de nombreuses villes, très durement réprimées) ne sont pas de très bonne augure mais on attend de voir quelle sera la situation à ce moment-là.

Ensuite les 50 marcheurs passeront par l’Arménie, Géorgie, et les Balkans : 4 ou 5 conférences sur la paix y sont programmées, en collaboration avec les ONG locales pour focaliser sur les questions locales. Le 26 mai, ils entreront officiellement sur le territoire européen en Bulgarie, après avoir traversé la mer noire en bateau. Le programme Zanzibar permet de préciser le tracé des marches en Europe. Une marche partira de Ceuta, enclave espagnole au Maroc, pour traverser l’Espagne, jusqu’à La Jonquera, à la frontière Espagne-France. Une action y sera organisée, cette ville ayant la réputation d’être « le plus grand bordel au monde »…

En France, des marcheurs partiront de Carcassonne, mais la plupart de Lyon. D’autres marches démarreront en Suède, à Cologne en Allemagne. La marche belge démarrant à Bruxelles le 1er juillet arrivera fin juillet à Avioth. Entre la Belgique et la Suisse, les plus tenaces poursuivront la route sans le cadre d’un groupe organisé. A destination, la Ville de Genève s’attend à accueillir au total 5000 personnes.

Marche de l’espoir

Ramesh Sharma met en avant le message porteur d’espoir de cette marche pour la paix : vu le monde dans lequel nous vivons, la non-violence n’est plus un choix. Ou alors c’est un choix entre non-violence et non existence.

L’intention de la marche démarrée le 2 octobre est de rencontrer un maximum de gens sur le terrain. Et si possible de passer dans des pays où les conflits sont fréquents, où la non-violence est vraiment un défi, pour donner de l’espoir à la nouvelle génération. Au fil du trajet, les marcheurs pensent pouvoir toucher de cette façon 1 million de personnes, des gens ordinaires.

“Oui, nous nous dirigeons vers Genève mais ce n’est pas seulement pour parler aux gens qui sont au top des institutions. Les politiques ne s’attaquent pas vraiment aux causes des problèmes. Nous voulons aussi parler aux gens sur le terrain. Si on peut créer cet espoir auprès de ces personnes, c’est le plus important. Ce dialogue est préparé par des notes synthétique sur différents thèmes que les personnes rencontrées doivent pouvoir s’approprier”.

Pourquoi une décennie 2020-2030 de la paix et de la justice ?

“D’après les spécialistes du climat, les 10 prochaines années sont cruciales. C’est vrai aussi pour la pauvreté et les inégalités, bref des différents domaines représentés par les ODD. Il faut éviter à tout prix la guerre civile : car le changement climatique va amener des conflits sur l’appropriation des ressources naturelles. Nous entendrons parler de guerres entre états mais en réalité, ce qu’il faut craindre, c’est une guerre civile au niveau mondial.

C’est pourquoi les marcheurs de Jai Jagat proposeront dans les différents pays traversés que soit créé un ministère de la paix. En général ce terme est compris comme « le maintien de l’ordre public ». Mais si l’on considère la Constitution de l’Inde, qui est responsable d’apporter la paix dans la société ? Pas la police. La plupart de nos institutions sont encore sur le modèle colonial. Cet héritage est à revoir de fond en comble, l’économie violente qui domine aujourd’hui ne peut apporter ni paix ni dignité. Il faut de nouvelles institutions.

Une telle décennie pourrait être un incitant à développer l’éducation à la paix : en tant qu’ingénieur, dit Ramesh Sharma, je n’a rien appris à l’école sur la paix. Ce thème manque totalement dans l’éducation, sauf religieuse. C’est une grave lacune qu’une société ne prépare par ses membres à cette manière de vivre. Il s’agit de la paix dans le sens d’instaurer la justice. Paix et non-violence sont un mode de vie, à l’inverse des rapports de force et de la compétition. Attention : personne n’est expert de la non-violence. On peut seulement être praticien. Il n’y a pas de formule magique”.

Le rendez-vous à Genève se prépare

Divers contacts sont pris, avec l’UNEP, la FAO et d’autres parties du système onusien.  Le bureau du commissariat aux droits de l’homme accepte qu’on utilise leur logo.

Olivier De Schutter sait que beaucoup se méfient des institutions et agences internationales. Cette méfiance, dans le contexte actuel, il faut pouvoir la surmonter. Les ODD, bien qu’ils soient aujourd’hui le champ réservé d’une technocratie onusienne, sont malgré tout des objectifs porteurs d’espoir. Et le meilleur service qu’on puisse rendre aux populistes, c’est, comme eux, de critiquer ces institutions. Les institutions onusiennes sont très en demande de la société civile, ce sont eux qui ont besoin de nous !

Ainsi, lui-même est membre d’un comité d’experts sur les droits sociaux et culturels. Une telle marque de confiance est importante pour re-légitimer le multi-latéralisme et l’action des Nations Unies, objet d’attaques sans précédent, et de restrictions budgétaires. Ceci dit sans illusion ni naïveté sur ce dont les Nations Unies sont capables. Voilà un élément important de contexte dans lequel cette marche prend place.

Ramesh Sharma est interpellé sur la combinaison de deux objectifs différents : l’ambition en termes de plaidoyer, et la mobilisation d’un million de personnes, l’intention de leur donner une voix. En effet, le message doit être audible mais aussi légitime. Oui, « ils ont besoin de nous », aux Nations Unies. Après 75 ans de cet establishment, c’est à eux de se prouver. Comment influencer l’agenda de l’ONU alors même que les choix faits n’ont pas toujours été fondés sur l’expérience des populations ? Dans certains cas, ce fut le cas, ex en matière de sécurité alimentaire.

Par ailleurs, si tout est fixé, où est la place pour faire remonter la parole des gens qu’on rencontre ? D’où la volonté de se baser sur l’expérience des communautés de vie. Il ne s’agit pas d’analyses politiques. La mise en œuvre des ODD gagnera à s’appuyer sur ces expériences locales.

Ex. la lutte contre les mariages d’enfants en Afrique : ce qui fonctionne, c’est ce qui a marché dans les communautés. Les résolutions de l’ONU, c’est bien mais ce n’est pas ça qui fait la différence sur le terrain.

La combinaison des deux objectifs est un processus continu. Nous avons préparé des documents mais nous restons ouverts durant toute la durée des marches. Ces documents d’approche thématique sont utilisés pour lancer le débat. De ces débats, nous retirons des messages pour le plaidoyer final. Ce n’est que très tard dans le processus, quand on approchera de Genève, qu’on clôturera cette démarche participative ; de sorte qu’à Genève, on arrive avec des propositions et demandes plus précises et concrètes.

Alain Dangoisse renchérit : représentant le groupe Jai Jagat belge à Madrid, nous avons été inspirés par la démarche « bottom to all » et l’avons adoptée : nous écoutons des personnes proches de la pauvreté, des paysans, des jeunes, des personnes qui vivent la simplicité volontaire. Ces expériences sont partagées au niveau européen. Puis on fera des petits résumés en lien avec les 4 grands objectifs de Jai Jagat 2020. A Genève nous aimerions inviter les membres de l’ONU à rejoindre nos cercles. Nous pensons aussi à nous organiser au-delà de septembre 2020.

Olivier De Schutter : “aujourd’hui, ce dont nous manquons le plus pour une société non violente, c’est d’imagination, de solutions qui n’ont pas encore été tentées. Associer les plus pauvres à décrire leurs expériences, c’est la seule manière d’élargir notre imagination. Par exemple, concernant l’alimentation, ces personnes font face à des contraintes et sont riches d’innovation sociale.

Nous n’enseignons pas, nous apprenons de ces personnes. Tout ne va pas être résolu par les ingénieurs et les technocrates. Il faut démocratiser la société, pour valoriser les acteurs de changement. Créer des espaces où l’imagination puisse se déployer”.

Fabienne Minsart : “à Watermael Boitsfort au Chant des Cailles et avec d’autres acteurs de cette commune, un travail se prépare pour être dans l’esprit de la 1ère étape, le 1er juillet. Les Compagnons de la Transition s’y attellent”.

Brigitte Gloire : “pour avoir pratiqué cette question intermédiaire du plaidoyer entre peuple et politiciens, il y a un problème avec la manière dont on opérationnalise la participation. On veut faire participer les pauvres, et finalement, on fait des webinars… On éloigne les relations entre ces parties. Le plaidoyer de Jai Jagat devrait prôner un changement de ces outils de participation. Ce pourrait même être une spécificité de la campagne : que les intermédiaires-marcheurs servent à relier physiquement les peuples et les politiciens“.

Ramesh Sharma : “quand le planning s’est constitué, avec 50 personnes marcheurs, outre les 25 non Indiens, nous avons voulu inclure 10 jeunes, pas des activistes. Les 15 autres sont des membres d’Ekta Parishad, émanant de différentes ethnies et régions. Et la marche en Inde passe par des régions rurales négligées, plutôt que dans les villes”.

Deux jours avant cette rencontre à Bruxelles, Ramesh était en Allemagne, où l’attention est portée aux aspects culturels de la marche. Les activistes Allemands ont lancé un appel à projets pour des artistes visuels : c’est un grand succès. Ils vont en faire une expo, qui sera présentée dans les endroits où passera la marche. Il est aussi suggéré de rassembler 1 million de photos des personnes représentées. C’est notre marche, soyons créatifs !

Luc André Defrenne signale aussi le vivier d’idées émergeant en Belgique. Nous vivons tous sur une terre, qui est imprégnée de notre vécu. Il suggère que chaque marcheur, d’Inde et d’ailleurs, prenne un petit peu de terre de chez lui, marche avec, l’imprègne de son intention, et que toute cette terre soit collectée pour faire à Genève un tertre imprégné de l’énergie de toutes les personnes ayant marché. En souhaitant que ce « mont » puisse rester. Qu’on y plante des arbres venant d’autres pays…

Questions pour la marche en Belgique

Alain Adriaens qui collabore au journal Pour, voudrait qu’on précise l’objectif pour la marche belge : s’agit-il d’une marche symbolique ou rassemblant de nombreuses personnes ? Veut-on médiatiser un maximum ou valoriser les initiatives de terrain ? Il s’agit aussi que la logistique soit cohérente avec le message qu’on veut faire passer. Faire le lien avec l’action quotidienne, est aussi porteur d’espoir.

Erik Todts : “nous visons 30 à 50 marcheurs plus ou moins stables par jour, et autant qui nous accompagneront un jour ou l’autre. Il y aura donc une centaine de personnes par jour, ce qui permettra d’assurer une certaine visibilité. Un participant qui ne vient qu’un seul jour et ne demande pas de nuitée, se débrouille lui-même. Les autres doivent s’inscrire. Attention : cette marche n’est pas une marche ADEPS, de tourisme !”

Alain Dangoisse : “en effet, marcher est un engagement de transformation personnelle et collective. 15 km/jour sont prévus, en moyenne, pour être inclusifs et se donner le temps de la rencontre. Il s’agit donc de mobiliser avec discernement, de communiquer de manière juste. Pendant la marche, nous aurons à cœur d’être présents en conscience là où nous serons, et de le partager”.

Pour préparer cette marche, différents groupes s’activent. En Belgique, il s’agit surtout des Amis de la Terre, du Mouvement d’Action Paysanne (on va d’ailleurs loger plusieurs fois dans des fermes), et de divers groupes locaux ou écoles. Des volontaires tracent les itinéraires et rencontrent ces acteurs sur le terrain, dont les communes où passera la marche. L’accueil est très bon, à chaque endroit un sujet émerge : paix et non-violence à Leuven, etc. En y passant, nous remplirons notre besace.

Sidonie Cortès : “je fais partie de l’équipe des éclaireurs, nous testons l’itinéraire et préparons un topo-guide pour des chemins sûrs sur le plan routier. Ce sera aussi un road-book, pour garder des traces des expériences du chemin. Il sera prêt vers mars-avril”…

L’engagement d’Associations 21

Associations 21 organise le 12 mars 2020 un forum Durabilité et pauvreté avec ATD-Quart-Monde et Luttes Solidarités Travail, pour pour rebondir sur le rapport éponyme du Service Inter-fédéral de Lutte contre la pauvreté publié le 11 décembre 2019. Ce rapport est basé sur une concertation soutenue avec des organisations dans lesquelles les pauvres se rassemblent. Le 12 mars 2020, nous ses conclusions seront mises en débat pour nourrir in fine le plaidoyer de Jai Jagat 2020.

Appel aux dons

Les initiateurs Indiens de Jai Jagat 2020 ont réussi à trouver les fonds nécessaires pour la marche en Inde. Partout, repas et logement leur sont offerts. Mais il y a quand même des frais (déplacement de bagages, assurances). A partir de l’Arménie, donc du mois de mars, il n’y a encore pas les fonds nécessaires pour financer la marche vers Genève.

D’où l’appel aux dons pour l’Association Jai Jagat 2020 International : IBAN : BE65 7320 5089 0796. Pour pouvoir recevoir une attestation fiscale, il faut indiquer « TGE-SOL, France » en communication du virement. C’est le partenaire qui rassemblent ces contributions.

Pour aller plus loin

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