Lorsqu’on pense à habitat durable, vient d’abord à l’esprit le concept de bâtiment durable que l’on peut définir comme le bâtiment qui par sa construction, sa situation et son utilisation est respectueux de l’environnement. Cette notion essentielle se doit d’être complétée par une approche intégrant la qualité de vie. L’habitat durable ne se limite pas à l’habitat écologique mais d’autres aspects doivent être pris en compte comme la durabilité temporelle. Par exemple, un habitat qui serait non précaire.

Une approche symptomatique

Le temps est fini des flâneries, des groupements où s’échangeaient les nouvelles, du rassemblement à la fontaine ou devant les étalages des marchands, le temps est fini de l’agora, du forum et de la place publique où battit le cœur de la cité d’antan. Marcel Poète, « L’évolution des villes » 1919.

Auparavant, l’étiolement des relations humaines se faisait déjà sentir sous une nostalgie collective. Sans rentrer dans une apologie urbaine, force est de constater que de plus en plus la périurbanisation démontre ses limites et ses dangers. La ville abandonnée « aux mains » des plus démunis, par contraintes et non par choix, en porte les stigmates (logements inoccupés, marchands de sommeil, décommercialisation des centres villes, paupérisation, perte de patrimoine architectural,…). La ville se subsitura-t-elle aux villages d’autrefois ? Sommes-nous face à un phénomène cyclique dictée par les « tendances » et les choix de politique d’aménagement.

Parallèlement, à ces mutations d’ordre socio-démographiques, d’autres questions peuvent se poser. Est-il normal de devoir bosser toute une vie pour avoir le droit de se loger ? Comment limiter la pollution et le traitement des déchets de la construction, rénovation et démolition de bâtiments. Pourquoi en Wallonie, les réserves de bois utilisable pour de la construction suite à la tempête de 1999, ne sont-elles pas plus souvent employées?

De l’ensemble de ces constats, un peu alarmistes il est vrai, il ressort que le logement est devenu un facteur de précarité au sens large ou tout au moins un indicateur de celle-ci. La société dans son ensemble doit anticiper ces changements et les mutations des modes de vie pour repenser et restructurer l’habitat: conditions d’accès, pérennité, coût objectif (critère quantitatif), adaptation aux besoins modernes (critère qualitatif). Tous les acteurs (les habitants, les politiques, les architectes, les promoteurs,…) ont un rôle à jouer pour que la démarche soit la plus intégrée possible.

L’habitat durable : Tendance ou nouvelle réalité ?

Les médias évoquent effectivement l’habitat durable mais aussi les concepts de ville durable, d’éco-quartiers, de quartiers durables,… Comment s’y retrouver ?

L’habitat est le mode d’organisation et de peuplement par l’homme où il vit (Petit Robert, 2004). En d’autres termes, l’habitat est constitué non seulement du logement mais également de son cadre de vie.

A cela s’ajoute la dimension de durabilité faisant référence au développement durable et au rapport Brundtland (1997). Par extrapolation de la définition de développement durable, l’habitat durable se définirait comme : un habitat qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de ” besoins “, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

La notion d’habitat durable va directement de paire avec celle d’habitat universel. Il s’agit d’un habitat destiné à tous et adapté aussi bien aux besoins des personnes âgées, des personnes handicapées, des enfants, des actifs,…et indépendamment du temps qui s’écoule.

Quelles sont les grandes caractéristiques d’un habitat durable ?

L’habitat durable est composé de plusieurs dimensions complémentaires et indispensables. Elles sont au nombre de quatre.

Une dimension participative. Si l’habitat durable est une réponse parmi beaucoup d’autres, sa démarche spécifique repose sur une action volontariste des acteurs concernés, une « participation de tous à la vie du projet et à sa régulation », la création ou recréation du lien social, des petites ou grandes solidarités, non pas la négation des particularismes individuels mais leur reconnaissance réciproque et leur enrichissement par le biais de l’échange et de la réalisation d’un projet commun comme le démontrent les expériences de terrain que nous pouvons observer et analyser.

Une dimension sociale. L’habitat durable ne pourra discriminer, ségréguer, exclure ; il doit au contraire favoriser la cohabitation des groupes sociaux et augmenter la cohésion sociale. La solidarité pourra notamment s’y exprimer plus naturellement. Non seulement, l’habitat durable se doit d’être accessible à tous mais doit aussi permettre des adaptations face aux mutations sociales futures. La mixité n’est donc pas en soi un objectif mais plutôt une conséquence d’une accessibilité accrue.

Une dimension environnementale. Au niveau environnemental, l’habitat durable veillera à limiter son « empreinte écologique » par analogie à l’empreinte écologique individuelle. A priori, l’habitat durable bénéficiera d’une densité plus importante que les lotissements actuels « joliment » garni de villas quatre façades 12 ares bordés de thuyas. Cette densité plus élevée, hormis une emprise au sol moins forte, favorisera également une proximité des services, une mixité des usages et des fonctions, une limitation des déplacements,… La salubrité publique, la gestion des déchets, les nuisances sonores,…y seront mûrement réfléchis. Parallèlement, le choix des matériaux de construction et des infrastructures énergétiques seront raisonnés.

Pour rappel, le CWATUP article 1er stipule que : « La Région et les autres autorités publiques, chacune dans le cadre de ses compétences et en coordination avec la Région, sont gestionnaires et garants de l’aménagement du territoire. Elles rencontrent de manière durable les besoins sociaux, économiques, (de mobilité, – Décret du 15 février 2007, art. 1er) patrimoniaux et environnementaux de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l’utilisation parcimonieuse du sol et de ses ressources et par la conservation et le développement du patrimoine culturel, naturel et paysager. »

Une dimension économique. L’habitat durable est aussi un système viable économiquement pour les individus mais aussi pour la collectivité. Selon l’observatoire du crédit et de l’endettement en 2001, le crédit hypothécaire était présent dans 21% des dossiers de règlement collectif de dettes. La politique du « tout à la propriété » ne semble pas convenir à tous les ménages et les assurances « perte d’emploi » sont encore trop exigeantes dans leurs conditions d’accès.

Systèmes interdépendants, complexes et instables

L’habitat, qu’il soit durable ou pas d’ailleurs, est un système dans lequel tous les éléments constitutifs sont en interdépendance et en interaction. En effet, si l’une de ces composantes venait à être modifiée, chacune des autres s’en trouverait altérée et leurs articulations redistribuées. Par exemple, une personne vivant seule perd son emploi, aura des difficultés à payer son loyer et donc réalisera des économies soit sur le chauffage, le dentiste, l’entretien de la voiture,… Economies pourraient nuire à sa santé. Cette perturbation dans le système provoquée sur une de ses composantes (travail) aura un effet plus ou moins rapide et intense sur les autres. A cela s’ajoute, une complexification des systèmes.

Ce système dans l’exemple de l’habitat durable est un système en équilibre instable. Son instabilité est le témoin de sa fragilité. Mais, ce point d’équilibre est-il atteignable? La question peut se poser même si a priori aucun n’habitat ne peut se targuer d’être parfait ! L’habitat durable est l’objectif vers lequel l’ensemble des acteurs doivent tendre, non pas dans une approche thématique, détricotée, mais dans une approche globale, intégrée et systémique.

*L’exemple de Bedzed*

Situé en Angleterre à 40 kilomètres de Londres, le quartier de Bedzed pour Beddington Zero Energy Developement dans la ville de Sutton. Un exemple choisi pour ses qualités architecturales, environnementales, sociales, économiques mais surtout pour son évaluation et l’annonce de résultats concrets. Il comprend 82 logements, 2500m2 de bureaux et de services, des commerces, une salle de spectacles, des espaces verts, un complexe sportif, une crèche, …sur 1,7 hectares.

Afin d’obtenir un équilibre social et permettre une accessibilité plus importante à ces logements aux infrastructures durables, les habitations ont été « financées » indirectement par les bureaux et les services. L’impulsion s’est fait au niveau communal en 1994 lors d’une réflexion sur l’Agenda Local 21. La construction a démarré en 2001 et les premiers habitants s’y sont installés en 2002 !!

L’objectif général de Bedzed étant de diminuer l’empreinte écologique, avec :

Pour l’énergie :

– Un bilan-carbone de zéro (impact neutre) sans utilisation d’énergies fossiles.

– Consommation d’énergie réduite de 60% par rapport à la demande domestique moyenne.

– Réduire de 50% la consommation énergétique liée aux transports.

– Réduire la demande en chauffage de 90%.

Pour l’environnement :

– Consommation d’eau réduite de 30%.

– Volume des déchets réduits et recyclage accru

– Utilisation de matériaux de construction venant pour moitié au moins d’une distance inférieure à 60 km.

– Développer la biodiversité des espaces végétalisés, jusque sur les toitures.

– Ne pas consommer de terrain naturel ou agricole : L’Approche est de type ville renouvelée, ici sur une friche (ancien site houiller) si ce n’est sur elle-même, en utilisant des matériaux et ressources essentiellement locales.

Pour le social:

– La Mixité sociale est recherchée

– Des commerces et activités socioculturelles sont intégrés

– Le réseau de transports en commun favorise le contact avec l’extérieur

BedZED semble avoir réussi à diminuer de 50% son empreinte écologique (L’empreinte a été calculée pour un scénario-type moyen).
Par rapport à des logements classiques :

– L’appel de chauffage est réduit de 88%,

– La consommation d’eau chaude est réduite de 57%

– La consommation d’électricité est de 3kWh par jour, 25% de moins que la moyenne au Royaume-Uni. 11% est produit par les panneaux solaires. Le reste sera généré par une centrale en cogénération que utilise des résidus de bois coupé – mais en ce moment elle ne marche pas. L’entreprise qui l’a installé a des problèmes financiers.

– la consommation d’eau est réduite de 50% (ou 67% en comparaison avec une maison avec un ‘power shower’)

– Le kilométrage des résidents est réduit de 65%
(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/BedZED)

Conclusion

« C’est dans le processus même d’interdépendance constructive avec le monde et d’adaptation de la nature à ses besoins, à ses désirs et à ses aspirations, que l’homme constitue son humanité. »(René Dubos, Les Dieux de l’Ecologie, 1973).