Panel Animé par Virginie Hess, avec Jean-Michel Javaux bourgmestre d’Amay, Gilles Mahieu gouverneur du Brabant Wallon, Stéphanie Heyden présidente d’IDELUX Eau et Geneviève de Wergifosse présidente du CPAS de Seneffe.

Question sur l’anticipation à Gilles Mahieu: quand on parle d’anticiper, on se prépare à éviter les risques mais aussi à gérer les catastrophes ?

Gilles Mahieu : nous avons mis en place des ZIT (zones d’immersion temporaire) et fascines, négocié avec des agriculteurs et toutes les structures institutionnelles (Contrats de rivières et autres). L’UCL modélise les zones d’habitat. On essaye au maximum de faire de la prévention. A côté, en effet, il y a la préparation : veiller à ce que l’ensemble des services soient prêts à répondre au cas où on est débordés. D’abord le retex : retour d’expériences de catastrophes précédentes.

On essaye aussi d’avoir de nouvelles collaborations, ex. les citoyens experts, à Tubize. En région Liégeoise, une partie des mesures de mm ont été emportées. Quand on se trompe (et ça arrive souvent en gestion de crise) c’est parce qu’on travaille sur base de mauvaises infos. On a besoin que les citoyens nous informent. Aussi les météorologue amateurs : l’IRM ne suffit pas. Dans chaque bassin, l’impact sera différent. Il faut des pluviomètres partout. Heureusement il y a des tas de météorologues amateurs, et une convention avec ce réseau.

Stéphanie Heyden : l’intercommunale est confrontée à l’impact des épisodes climatiques extrêmes  sur les ouvrages d’assainissement des eaux. La province de Luxembourg compte 96 stations d’épuration. Il reste une centaine de stations à créer. Idelux collaborer avec les communes et les aide, notamment les 14 communes les plus impactées en juillet 2021. Les élus locaux connaissent mieux leur territoire. Ils interviennent pour constater comment fonctionnent les ouvrages créés, ex les bassins d’orage, puis pour redéfinir des actions concrètes à mettre en place.

Jean-Michel Javaux : Amay a été touchée en juillet. Il y a eu un manque de communication et de coordination entre les différentes parties prenantes. Comment mieux les fédérer, dynamiser l’action collective, créer cette culture de la vulnérabilité ? Soyons modestes. A Amay, fille de Meuse, les Romains savaient déjà comment s’installer : sur les hauteurs (et les pauvres en bas…)

En 94-95, les inondations ont touché les rues du bas, des logements sociaux. On a répondu tous ensemble, on a mis des vannes anti-retours, le cours de la Meuse a été modifié. Mais depuis 3 ans, c’est sur les hauteurs, à une échelle supra-locale, qu’un quartier a été inondé. L’eau a trouvé un nouveau chemin, suite à la construction d’un bassin de rétention d’eau, au-dessus d’un bassin d’orage qui était vide… Ce ne sont pas chaque fois les mêmes vallées qui sont inondées. On a eu aussi une panne de courant pendant 3 jours : on ne se rend pas compte que c’est lié aux changements climatiques mais c’était bien le cas (cette fois les vents). Bref, il faut tout repenser.

Il y avait une cellule de crise des bourgmestres pour le Covid. Maintenant on se réunit pour les inondations. Des entreprises privées, des citoyens ont des pompes et autres ressources précieuses, mobilisables. Il faut garder en veille toutes ces ressources, c’est l’enjeu de la reconnaissance des bénévoles. Ceux-ci sont oubliés pendant un an puis on les rappelle au secours. A Hannut, c’était jour pour jour après des premières inondations de juin 2022…

Geneviève de Wergifosse : les bénéficiaires des CPAS subissent tout cela, tout en étant éloignés de ces préoccupations. Ils n’en ont pas les moyens. Des besoins primaires sont à combler. Ex les personnes âgées qui oublient de boire, qui ont besoin d’assistance.

Ce CPAS a acquis un terrain et a fait un potager éco-responsable avec les bénéficiaires. Via les articles 60, des personnes éloignées de l’emploi sont réinsérées. Ces jardiniers hors pair Jardin font des colis de légumes pour les plus démunis. Au bout du contrat, ils retrouvent soit un boulot, soit leur droit au chômage.

Question sur l’échelle de l’action : comment être plus solidaires les uns avec les autres ?

Gilles Mahieu : l’échelon le plus adéquat est supra-communal. La commune fait face à un phénomène localisé. Si l’événement se passe à une échelle provinciale, lui travaille avec les communes concernées. Il s’agit de cultiver ensemble la culture du risque et d’apprendre à être débordé…

Oui, soyons humbles : on se prépare mais on ne sera jamais suffisamment prêts. Des lits de rivière ont été déplacés en 2021. Nos modèles ne sont plus appropriés. Il faut sans cesse s’ajuster. Avant, les pompiers n’étaient pas formés pour les feux de forêts. Maintenant le Var forme toute l’Europe. Depuis 3 ans on a en effet des feux de forêt, un gros récemment. Au niveau de la coordination de l’urgence : celui qui gère, communique. Les difficultés liées aux télécomm : il faut s’exercer.

Question de la supracommunalité à Jean-Michel Javaux :

Jean-Michel Javaux : en général on s’entend bien entre bourgmestres. Mais d’après la loi, nous n’êtes pas responsable des eaux en aval. Des études hydrographiques sont faites pour les stations d’épuration et autres ouvrages, parfois on exproprie. Les infrastructures sont basées sur un scénario donné, puis il faut tout revoir. Les planifications, c’est assez nouveau, idem les formations du personnel communal. Souvent l’événement survient en été quand beaucoup sont en vacances. Il faut toujours prévoir son doublon.

Participation citoyenne : ce sont souvent les même citoyens qui participent à tout (25% des altruistes progressistes). On doit aller plus loin chercher les autres, dans les cafés papote et autres lieux de rencontre.

Question : comment faire percoler ces préoccupations auprès des publics concernés ?

Stéphanie Heyden : à Idelux, on sensibilise le grand public à l’occasion de portes ouvertes, ex. quand on inaugure une station d’épuration. On rappelle le rôle de l’égoûtage, de l’infiltration… On vulgarise le code de l’eau et l’importance de bien gérer l’eau, aussi pour les enfants. Des webinaires sont destinés aux communes, aux architectes. On remet des avis sur les permis, notamment d’entreprises. Nous collaborons de plus en plus avec la DNF et Natagora. Sa campagne Nature pour tous vise les publics en difficulté.

Geneviève de Wergifosse : les bénéficiaires du CPAS sont dans l’urgence. Ils aimeraient qu’on les aide à améliorer leurs logements, souvent mal isolés. On a très peu de réponses à leur apporter.

Jean-Michel Javaux : comment convaincre de participer à un chantier participatif pour ombrager quand les gens demandent des aides tout de suite ? Il y a souvent la double peine pour les plus précarisés. Ex. le constat en 2021 que beaucoup étaient mal assurés, devrait nous pousser à trouver une couverture collective. D’une manière générale, on sait que le coût de l’inaction est plus élevé.

Gilles Mahieu : investir dans la prévention est toujours bien plus rentable. On doit pouvoir créer par exemple une zone d’immersion. Mais on se confronte alors à des phénomènes Nimby. Le cas des agriculteurs (si pas eux, leurs ouvriers), qui mettent leurs sillons dans le sens de la pente : on le leur a déjà dit plusieurs fois… Il y a aussi des situations où l’outil préventif est détourné, rendu inefficace car en même temps on trouve un grand parking créé là pour une entreprise… D’où l’impression de parler dans le désert.

Stéphanie Heyden : Idelux a interrogé 44 communes sur les cause des inondations de 2021. Résultat : 1. Débordement de cours d’eau / 2. Avaloirs bouchés / 3. Coulées boueuses. Des représentants d’agriculteurs étaient étonnés. Il y a des possibilités d’aménagement, les ZIT peuvent encore être exploitées, il faut conscientiser tout le monde.

Geneviève de Wergifosse : à Seneffe on a 2 échevins agriculteurs. On en a rencontré beaucoup. On a planté du wiscanthus mais on n’arrive pas à l’écouler ! On fait aussi un cadastre des arbres et on plante des haies.

Jean-Michel Javaux : il y a des interventions communales mais il faut aussi des financements : pourquoi de telles dépenses sont-elles « hors balises d’endettement » ? Quand on est sous plan de gestion, on n’a pas les sous pour la prévention qui est pourtant un bon investissement.

Il faut aussi miser sur les partenaires privés en s’inspirant d’autres endroits en Europe qui travaillent sur la résilience. Certaines bonnes pratiques modestes sont peu coûteuses. Par ailleurs, il faut aussi sanctionner les mauvaises pratiques : ex de gens qui font des déversements dans des bassins d’orage !

Gilles Mahieu : l’échange des bonnes pratiques doit se faire au niveau européen : suite aux inondations dans la vallée de la Roja, certaines initiatives citoyennes ont inspiré d’autres régions. Phase du rétablissement : le gouvernement fait de la gestion de crise mais il est aussi mandaté pour le rétablissement… Sans budget ! Ce cadre est vague : où s’arrête sa mission ? De même pour les communes. Le rétablissement est important pour les gens, mais aussi pour éviter que se reproduisent les phénomènes.

Il y a aussi les solutions basées sur la nature : la commune de Stoumont est traversée par plusieurs rivières. Les habitations ne se sont pas développées le long de celles-ci.

Stéphanie Heyden : Idelux a fait une station d’épuration sur filtre de roseaux. Cela nécessite beaucoup d’espace. Mais c’est possible pour les petites stations, ex. Vaulx-sur-Sûre. On évite les stations en zone Natura 2000, on prend en compte l’aspect paysager…

Jean-Michel Javaux : le Covid a permis à plein de gens, toutes les couches de la population, de redécouvrir le patrimoine naturel près de chez eux, et de développer des expertises. Amay est une  des 4 communes impliquées dans le projet Kick Belgium : accélérateur de la transition écologique des territoires en catalysant les solutions disponibles par et pour les différents acteurs et actrices de la commune. Il s’agit d’avoir rapidement des grosses réalisations, avec le choix des citoyens qui vont coconstruire, et l’appui des associations, centres culturels, plans de cohésion sociale, PCDN, Gal…

Des sentiers disparus sont retracés (« pedibus ») ; l’école du dehors change toute la dynamique d’une classe. En cas de canicule, le conseil des aînés organise le porte à porte ou les appels tél. Ils se sentent ainsi reconnus et participants.

Gilles Mahieu : des entreprises contribuent : certaines démarches sont du green washing, d’autres sont sincères et réfléchies de façon transversale. GSK revoit ses implantations. Les zones naturelles sont des espaces où les employés vont se ressourcer. Multiplions les réseaux qui vont contribuer à régler les problèmes. Quand tout le monde s’implique, une meilleure confiance mutuelle permet d’être plus efficace quand survient la crise.