Plénière du matin

Catherine Marneffe, échevine à Mons, a campé le décor : cette vague de chaleur printanière est une crise supplémentaire à gérer, on est en plein dans l’adaptation. Ses compétences – transition écologique, biodiversité, énergie-climat et marchés publics – la placent au cœur des crises qui s’enchaînent. La prise de conscience est en partie forcée.

Différents projets aident les villes à être plus résilientes, ex. le programme POLLEC. En matière de biodiversité, des programmes dispersés avant sont à présent réunis dans un seul programme le Plan Communal de Développement de la Nature (PCDN). Il y a aussi les contrats de rivière, la Trame Noire (contre la pollution lumineuse), la régie agricole. Les communes s’investissent de manière transversale avec les autres acteurs.

Mons collabore aussi avec d’autres communes : notamment avec La Louvière : réseaux écologiques, contrats de rivière, trames vertes et bleues… Les intercommunales aussi doivent faire des liens.

Quid du soutien des administrations régionales et fédérales ? Beaucoup de projets impliquent une démarche volontaire des communes. Mais ces appels à projets entraînent des lourdeurs administratives. Leurs calendriers créent des difficultés.

Un levier de changement important est l’approche participative : à travers des démarches citoyennes, les conseils climats, le PCDN et la transversalité au sein des services : pas facile de sortir des silos ! Cela peut être un frein. Tout soutien pour le lever est bienvenu.

Autre domaine qui lui tient fort à cœur : les marchés publics responsables, en vue notamment d’un projet « cantine durable ». Mons tente de rendre la ville plus cyclable, avec des sites propres. Cela avance doucement. Le prix du carburant provoque un basculement.

Quant aux entreprises, il ne leur est pas facile de répondre aux marchés publics. Les critères environnementaux et sociaux impliquent une démarche de leur part, en même temps c’est un stimulant : une fois ces critères intégrés, ces clauses ne sont plus un obstacle. Les communes commencent à comprendre ce levier important.

François Gemenne, professeur et directeur de l’Observatoire Hugo à l’ULiège, plaide pour instaurer une culture du risque. A quel point étions-nous impréparés, l’été 2021 ! Il s’agit à présent d’intégrer, dans cette culture du risque, des mesures pour le logement, l’aménagement du territoire, les procédures d’alerte et d’évacuation. Tous les services administratifs doivent y être préparés. Nous disposons à présent du 6ème rapport du GIEC.

Constats :

  • Avant, l’adaptation, c’était pour le Sud. On pensait surtout, ici, aux réductions des émissions de gaz à effet de serre. Mais la distance entre nous et les impacts s’est rétrécie…
  • Les changements climatiques sont irréversibles. C’est un voyage sans retour. Le mot « crise » : sous-tend un retour à la normale. Non, pas dans l’espace de nos vies. Au contraire, il s’agit de nous projeter vers 1 nouvelles normalité, faite d’événements exceptionnels, avec une réponse politique structurelle. Oui, il faut réduire les émissions de GES Et nous adapter, aussi en termes de culture collective : « extrême » ne sera plus « exceptionnel ». Ces événements vont se multiplier et s’intensifier.
  • Inégalités : souvent les plus vulnérables sont plus exposés. Et moins connectés aux infos. Les plus pauvres, les plus âgés, les plus marginalisés sont les premières victimes. Leurs maisons moins bien assurées… Les inégalités sont donc un facteur de vulnérabilité, tandis que la cohésion sociale est un facteur important de résilience. Attention au cercle vicieux entre les impacts des changements climatiques et les inégalités, la vulnérabilité.
  • Il faut donc articuler la réponse aux changements climatiques, aux politiques sociales : par seulement par charité chrétienne mais c’est l’intérêt de la soc toute entière. Les plus riches sont aussi plus vulnérables si les plus pauvres le sont.
  • Or certaines politiques répondant à ces impacts risquent d’accroître ces inégalités, car elles sont pensées par des couches aisées de la population. Exemple, la mobilité : voitures électriques v/s transports en commun…
  • Idem concernant les assurances : elles sont en priorité réservées aux plus aisés.
  • Attention, nous commençons à atteindre les limites de l’adaptation : à partir de quand faut-il relocaliser des populations ?

Ilios Kotsou, docteur en psychologie, est maître de conférences à l’ULB. L’éco-anxiété est une émotion post-traumatique. Le lien de ressourcement avec l’environnement est affecté ou disparu. La solastalgie est plus de l’ordre du pressentiment.

Certains lui demandent « qu’est-ce qu’on peut faire contre l’éco-anxiété ? » C’est qu’ils la considèrent comme un trouble. Ce n’est le cas que quand elle nous empêche de vivre. Il faudrait alors parler d’éco-paralysie.

L’éco-anxiété touche plus de femmes que d’hommes : les femmes se protègent moins des émotions, elles sont donc plus sensibles aux dangers et aux risques. Le GIEC ajoute que les femmes seront plus atteintes car plus vulnérables. Les jeunes de moins de 40 ans sont plus éco-anxieux. Nous réagissons parce que les choses nous concernent.

La résilience, ce n’est pas supprimer l’éco-anxiété. Certes, il n’est pas souhaitable d’y penser trop, mais pas assez non plus. Un équilibre est à trouver.

L’éco-anxiété est un voyage sans retour, touchant à la vie et à la mort des espèces, de personnes. On n’aime pas la pensée de la mort. Ce déni est caché sous le masque de l’intelligence. Le monde est de plus en plus incertain et incontrôlable : cet inconfort pousse aux extrêmes : le fatalisme (de toute façon c’est incontrôlable), le survivalisme, ou au contraire, « rien ne va arriver, la technologie va nous sauver »…

Des solutions ?

  • Soigner les personnes : mais c’est le climat qui est malade !
  • Crise multi-factorielle, multi-niveaux : n’oublions jamais l’échelle de la mesure, les politiques sont les premiers responsables, mais c’est aussi nous citoyens qui votons. Or nous vivons aussi une crise de la démocratie : on ne fait plus confiance aux institutions.
  • Sortir de l’impuissance et de l’hypocrisie : c’est aussi une crise de justice sociale. Il ne s’agit pas ici de couleur politique. Chaque année, le rapport d’Oxfam pointe à quel point le fossé se creuse : 8 pers possèdent à présent plus que ce que possède la moitié de la pop humaine. Ces disparités ne sont pas dues à l’intelligence, à la force de travail. C’est un problème politique profond.
  • Le 1er facteur de résilience d’une société est le capital social.

L’éco-anxiété est un symptôme. Elle concerne 12% de la population. Les émotions sont toutes utiles. L’anxiété nous a très souvent sauvé la vie. Que fait-on des émotions pour en faire une force motrice de la vie ?

Dépassée par les émotions, la raison est aveuglée. Mais sans émotions, la raison est aveugle. De toutes façons, des émotions, on en a. C’est le cheval qui connaît le chemin pour traverser la rivière.  Apprivoisons ce cheval qu’est l’anxiété pour bien vivre avec. Trop longtemps, on a voulu séparer émotion (attribut féminin) et raison. Tout ceci est battu en brèche par les scientifiques.

L’incertitude crée des émotions difficiles. L’acceptation n’est pas la résignation. Comment apprendre à accepter que nous ne pouvons pas contrôler toutes nos émotions, comment vivre avec ? Accepter de perdre du temps quand on veut être lucide : on veut toujours en dire de trop. Alors on n’est pas compris. Il est urgent de ralentir et d’écouter.

L’éco-colère, on en parle moins. C’est une énergie essentielle. OK, l’insulte n’est pas souhaitable. Mais sans éco-colère, on ne bouge pas. Exemple : Greta Thunberg ! C’est une réponse à l’immobilisme des gouvernements. Quand je participe à un mouvement social, c’est bon pour ma santé mentale. Je sors de l’impuissance.

Il s’agit donc de se préoccuper d’environnement, de justice sociale, de tout ce qui est bien commun, plutôt que de l’anxiété. Aussi, avoir une vie intérieure riche, trouver l’équilibre aide à s’engager pour la société.

L’auteure américaine Johanna Macy a étudié la détresse des activistes anti-nucléaire et en a tiré une approche pragmatique, le travail qui relie, en 4 étapes :

  1. Gratitude pour la beauté du vivant qui nourrit l’action. On protège ce qu’on aime et on aime ce qu’on connaît (en référence également à Mathieu Ricard)
  2. Honorer notre peine pour le monde
  3. Changer notre regard : on n’est pas seul
  4. Se mettre en action.

En guise de conclusion, attention à l’éco-anxiété chez les enfants : sensibilisons-les aux problèmes mais aussi à la beauté de la vie. Surtout n’oublions pas qu’on est en vie, que notre vie est digne mérite d’être vécue (« Un jour ns allons toutes mourir… C’est vrai, mais tous les autres jours, ns allons vivre », dixit Snoopy !)