Ces 4 et 5 mars 2024, Associations 21 a participé à la Conférence européenne sur la Transition Juste. Echo de l’événement qui a rassemblé de nombreux acteurs européens et belges au Palais d’Egmont, sous l’égide de la Présidence Belge de l’UE.

Ce qu’on en retient : la Transition Juste, bien définie par l’OIT, doit être une convergence entre les politiques sociales et environnementales. Si on ne les aborde pas ensemble, on n’y arrivera pas :

  • Ainsi, des objectifs climatiques sont fixés pour 2040 et 2050 mais quid des objectifs sociaux ? Les deux doivent aller de pair.
  • Cette conférence européenne visait à préparer collectivement un draft pour le Conseil européen des ministres de l’environnement le 25 mars. Mais quid du Conseil des ministres des affaires sociales ? Ce fonctionnement en silos est dépassé, ont souligné de nombreux participants.

Aussi, le financement de la transition juste requiert une réforme fiscale : d’abord une harmonisation fiscale européenne pour stopper le dumping fiscal entre Etats. Ensuite, que les profits sont réinvestis dans la décarbonation car les fonds publics n’y suffiront pas.

Enfin, le financement de la transition juste doit être assorti de conditions : par exemple, le Fonds Social Climat qui sera alimenté par l’ETS 2 pour financer la rénovation énergétique des logements, doit être dédié à des investissements publics (logements sociaux) et anti-spéculatifs (ex : les Community Land Trusts). Ceci pour éviter la spéculation et la gentrification (revente de logements rénovés contribuant à la hausse des prix généralisée). L’accès à un logement abordable est un droit humain essentiel !

Voilà qui a nourri notre démarche dédiée à la transversalité. Nous retenons aussi de cet événement les nombreux appels à des formes effectives de participation, en amont et non seulement en aval des décisions, et à tous les niveaux, comme par ex au sein des entreprises ou avec les groupes marginalisés, pour que les réalités de terrain soient prises en compte et que tout le monde embarque dans la Transition Juste.

Tout ceci étant dit, nous ne sommes pas dupes: pendant que certains oeuvrent, au niveau européen, à mettre en place un cadre fort pour la Transition Juste (via notamment une directive ad hoc, revendiquée par diverses parties mais dont les patrons ne veulent pas), l’industrie chimique européenne, réunie à Anvers le 20 février, plaide elle pour un Pacte industriel au cœur de l’Agenda Stratégique Européen 2024-2029. Cette manoeuvre, dénonce Riccardo Petrella, relayé par POUR, vise à mettre au pas le Green Deal… D’où l’importance de constituer, en face, un front large en faveur de la Transition Juste, et de rendre ce débat plus audible en vue des prochaines élections à tous les niveaux de pouvoir!

A propos des événements liés à la Transition Juste au niveau belge, cf cette page.

 

Le 20 décembre 2023, nous avons participé pour vous au stakeholder dialogue du Comité de coordination de la politique internationale de l’environnement (CCPIE) sur la préparation de la Présidence belge de l’UE. Compte-rendu des exposés et échanges.

L’environnement dans les starting blocks

Le CCPIE coordonne depuis 30 ans les collaborations entre agents de la fonction publique fédérale et régionale en matière d’environnement. Lors de ce stakeholder dialogue, tout ce petit monde était fin prêt pour la présidence belge de l’Union Européenne. Quelle ruche !

Nous les stakeholders (acteurs de la société civile au sens large, incluant donc les entreprises), nous pourrons participer à nombre d’événements et envoyer des messages et points d’attention. Nous risquons surtout d’être noyés dans la masse d’invitations, d’où l’intérêt de planifier et répartir nos participations. Ne perdons pas de vue que pour nos interlocuteurs institutionnels, il ne s’agit pas de défendre le point de vue belge mais de chercher des compromis. Les attentes sont élevées…

Quels dossiers environnementaux sont au programme des principaux événements et des négociations multilatérales durant ce premier semestre 2024 ? Quels sont les objectifs et les défis des priorités environnementales belges pour la politique de l’UE ? Pierre Kerkhofs, président de la CCPIE, campe le décor.

Lien vers les présentations

Les priorités de la présidence belge de l’UE

Barbara Dewulf, directrice générale ad interim de Bruxelles Environnement, signale que la Belgique préside l’UE pour la 13e fois. Vu l’élargissement, ce ne sera plus avant longtemps. De plus on est en fin de législature, tant au niveau européen que national et régional. L’enjeu est de taille.

Le CCPIE a donc formé un groupe ad hoc avec des représentants d’administrations et de cabinets. La préparation des dossiers environnementaux de la présidence belge implique tant des questions de contenu (priorités), que d’organisation (budget, événements). Et ce, dans un souci de transparence.

Site de la présidence belge :  https://belgian-presidency.consilium.europa.eu/fr/ (en raccourci: https://belgium24.eu)

Programme général : « protéger, renforcer, préparer ». Priorités du 1er ministre :

  1. Défendre la loi, la démocratie et l’unité
  2. Renforcer notre compétitivité
  3. Poursuivre une transition verte et juste
  4. Renforcer notre agenda social et de santé
  5. Protéger les gens et les frontières
  6. Promouvoir une Europe globale

Thèmes prioritaires en matière d’environnement et de climat : adaptation et résilience, économie circulaire et efficacité des ressources, transition juste.

Événements

Jens Ulehake (Responsable politique européenne du département environnement de la région flamande), et Emilie Balin, spécialiste en gestion & conservation de l’environnement au SPW, nous présentent quelques événements, parmi cette liste non exhaustive tant le programme de la présidence foisonne !

  • 15-18/01 à Bxl : semaine belge de la rénovation. Les bâtiments sont responsables d’environ 40 % de la consommation d’énergie de l’UE et de 36 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie. Les membres du Pacte Logement Energie de la Coalition Climat se concertent pour suivre cet événement et en rendre compte.
  • 1-2/02 à Anvers : Lutte contre la pollution aux PFAS. Échange de connaissances (ça tombe à pic !), comment en sortir, prévention et substitution, monitoring, remédiation des sols, santé publique et communication, ateliers & visites, sessions interactives, et lancement de l’asbl KIS : Knowledge Center on innovative Remediation solutions.
  • 8-9/02 à Liège : adaptation et résilience. Déclaration sur l’adaptation au changement climatique, feuille de route pour les Acteurs non étatiques (qui a été contacté en amont de cet événement ?), nature-based solutions, visites… Les inscriptions sont ouvertes (3 personnes maximum par organisation). Il y aura un « pitchcorner ».
  • 12-13/02  à Liège: l’économie sociale au cœur des transitions. Acteurs de terrain, scientifiques, décideurs politiques et autres parties prenantes échangeront sur les modèles économiques innovants, résilients et inspirants pour une Europe plus sociale et plus durable. Site de l’événement.
  •  26/02-1/03 à Nairobi, 6th UN Environnement Assembly: cet organe décisionnel mondial se réunit tous les 2 ans à Nairobi pour développer le droit environnemental international. Les fonctionnaires belges y animeront différents groupes de travail.
  • 1/03 à Leuven : conférence sur la future gouvernance européenne de l’eau (EU Blue Deal) Objectif : résilience !
  • 4-5/03 à Bxl: conférence sur la transition juste, pour formuler des recommandations afin que cet objectif soit mieux pris en compte dans les futures politiques européennes. Avec l’OIT, l’Agence européenne de l’environement et le CESE. Associations 21 y sera.
  • 7/03 à Bxl : réunion de haut niveau des pays “Blue Leaders”, un groupe ambitieux de pays appelant à une action urgente pour sauver les océans face à la crise climatique, la surpêche, la pollution et d’autres menaces. L’urgence de ratifier le Traité BBNJ sera rappelée.
  • 11-15/03 à Bxl : forum sur les sols contaminés. Forum conjoint des administrations régionales belges en charge de la santé des sols, en partenariat avec des réseaux d’experts internationaux, qui présenteront un ensemble d’initiatives. Les 14 et 15 mars, l’atelier Ensor aborda les défis politiques émergeants liés aux nouveaux contaminants.
  • 1/04 à Bxl : Conférence de haut niveau sur la durabilité régénérative : pour rendre à la nature plus que ce que nous lui prenons ! Echanger, développer cette thématique, faire émerger idées et contenus.
  • 15-18/04 à Bxl : du Forum Mondial sur l’économie circulaire, suivi d’un volet européen. Il y a énormément d’innovations en matière d’économie circulaire et de gestion durable des ressources, surtout au niveau mondial. Avec des intervenants de l’International Resource Panel, études de cas inspirants.
  • 23/04/24 : conférence du CFDD sur l’adaptation et la résilience.
  • 13-14/05 à Bxl : le Bureau Européen de l’Environnement (BEE) fête ses 50 ans. Conférence annuelle organisée avec Bruxelles Environnement. Sessions thématiques : futur de la politique environnementale de 2024 à 2030, adaptation et résilience, économie circulaire…
  • 22-23/05 : forum sur la mission adaptation des communes et autorités locales de l’UE. Un RV pour les villes et régions (la société civile est plutôt attendue à Liège les 8 et 9/02). Au programme: visites, solutions et défis pour ces différentes entités. En lien avec le rapport sur le risque climatique.

Multilatéral

Mehdi Karimi de la représentation de la Belgique auprès de l’UE et Florence Limet (SPF Affaires Etrangères, coopération au développement et commerce extérieur) évoquent les priorités multilatérales en 2024. Retenons le Sommet de l’avenir les 22-23 septembre à l’occasion de l’AG des Nations Unies à New-York. Objectifs : renforcer la coopération sur des questions essentielles, combler les lacunes de la gouvernance mondiale et la revitaliser, réaffirmer les engagements existants, notamment vis-à-vis des objectifs de développement durable (ODD) et de la Charte des Nations Unies. Bref, viser une coopération mondiale plus efficace, vu les défis et menaces du moment. La présidence belge aura un rôle à jouer dans la préparation de l’Europe pour ce sommet.

En matière environnementale, les priorités multilatérales sont : l’économie circulaire, la politique de l’eau et le renforcement de la gouvernance des océans et des mers. Cf. événements supra et site portail de l’UNEP, tout est en accès public.

La société civile participera à l’UNEA 6 (6ème session de l’assemblée des Nations Unies sur l’environnement) : assemblée des jeunes pour l’environnement les 17-18/02, Forum des parties prenantes les 24-25/02. Il y aura également un Science policy business forum le 27/02/24 et un multistakeholder dialogue le 29/02/24.

Parmi les nombreux sujets de l’agenda multilatéral, la pollution plastique : pour l’Europe et la Belgique, il s’agit de définir des objectifs clairs et contraignants, sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques ; de viser leur circularité : prévention, réduction, réutilisation, recyclage, principe de responsabilité étendue des producteurs, implication des parties prenantes dont les scientifiques… Des compromis devront être trouvés avec les pays tiers, dont certains font de l’obstruction. But : aboutir à un texte ambitieux.

Les dossiers hérités de la présidence espagnole

La présidence espagnole a été fort active : gaz fluorés à réguler, substances qui attaquent la couche d’ozone, loi sur la restauration de la nature, déchets électriques et électroniques… Pour certains, on vise un accord politique d’ici les élections de juin, notamment via le trilogue (dossiers en négociation avec le Parlement Européen). Pour d’autres, on n’espère pas un accord politique. Il y aura en tout cas des communications non législatives, notamment sur les objectifs climat 2040 et sur les risques climatiques.

La désertification, thème important pour l’Europe (du sud surtout) était une priorité de la présidence espagnole. La Belgique poursuivra pour que l’UE se déclare partie affectée par la sécheresse et la désertification, cette déclaration ayant bien sûr des implications.

Les priorités de la présidence belge

Adaptation et la résilience 

La Belgique entend envoyer un signal fort à la prochaine Commission européenne sur l’adaptation et la résilience, thème très large et transversal (qui ne concerne pas seulement l’environnement) mais pour lequel il n’y a pas actuellement de cadre contraignant, contrairement à d’autres cadres législatifs européens.

Il s’agit de doter l’Europe d’objectifs clairs et contraignants et d’indicateurs, et d’intégrer ceux-ci dans les politiques sectorielles. Il faut aussi des financements pour l’adaptation et l’atténuation. Les villes et les régions n’y accèdent pas : une complexité à résoudre. Enfin il faut arrêter de financer les fossiles ! Une collaboration s’impose avec les ministres des finances et de l’économie vu les conséquences des catastrophes naturelles notamment sur les assurances.

Pendant cette présidence, 3 communications importantes sont attendues en mars 2024 :

  • Une communication politique sur les risques climatiques, sur base d’une évaluation des risques en cours de finalisation au niveau européen
  • Water resilience initiative : l’eau en pénurie, l’accès à l’eau potable, santé et économie de l’eau. La crise de l’eau est fortement liée à l’adaptation.
  • Evaluation à mi-parcours du 8e programme d’action environnementale de l’UE.

Transition Juste

Bernard Mazijn, chef cab de la Ministre Khattabi, retrace le cheminement de ce thème durant la mandature fédérale. En juin 2023, la Ministre a demandé un avis au Comité économique et social européen : quelles étapes sont nécessaires pour un cadre politique de transition juste vers une société neutre en carbone, soutenable, non toxique et totalement circulaire en 2050 ? Sans compromettre les opportunités économiques… Dans son avis publié le 14 décembre, ce comité tripartite plaide pour :

  • Un cadre politique et des mesures concrètes, garantissant une approche holistique, coordonnée et intégrée
  • la prise en compte des limites planétaires, en référence au Greed Deal 2.0
  • préserver la continuité du modèle social européen
  • un dialogue social pas seulement avec les partenaires sociaux classiques mai aussi avec la société civile
  • une économie robuste, résiliente et durable
  • des investissements adéquats

Au programme de la conférence européenne des 4-5/03 sur la transition juste : l’OIT, le 1er jour, insistera sur la transition « juste & inclusive » et les questions de gouvernance (sur base de l’avis du CESE). Focus l’après-midi : éradication de la pauvreté et reconversion de secteurs industriels. Le 2ème jour 2 sera consacré à l’évaluation du Green Deal.

Economie circulaire et gestion durable des ressources

Lieze Cloots (également du Cabinet Khattabi) explique que le plan d’action actuel arrive au bout. Il s’agit donc de discuter de la suite. L’Europe ne peut pas fonctionner au-delà des limites planétaires. Il manque une perspective  « sustainable resource » dans les politiques climat, biodiversité et pollutions. L’Europe et son industrie sont vulnérables sur le plan géopolitique et devraient être plus indépendantes. On ne vise pas assez à réduire la demande.

Il faut un nouveau narratif sur les ressources : qui décloisonne l’économie circulaire, qui montre qu’il n’y a pas que l’efficacité, il y a aussi la suffisance, qui met l’accent sur les besoins sociétaux, la dématérialisation, la consommation économe en ressources ; tout en veillant à la justice sociale.

D’où les objectifs de la présidence belge: consolider et assurer la mise en œuvre du Green Deal et du plan d’action; élargir et repositionner le concept d’économie circulaire; lancer un processus pour construire un cadre européen sur l’économie circulaire. Et fixer une deadline sur le management durable des ressources, comme le droit à la réparation : comment assurer une surveillance effective des marchés ?

Conclusion : il y a matière à communiquer !

Les fonctionnaires sont bien prêts sur le fond mais le grand public n’est pas au courant de ces enjeux. La campagne électorale risque de les occulter. Lors des questions-réponses, Antoinette Brouyaux d’Associations 21 a insisté sur l’importance de vulgariser ces dossiers, de faire œuvre de pédagogie avec le grand public. Beaucoup de citoyens appelés à voter le 9 juin sont actuellement en rupture totale avec les politiques et les institutions. La société civile peut jouer un rôle de « médiation » (comme on parle de médiation culturelle dans les théâtres), mais il faut aussi mettre les médias dans le coup.

Les organisateurs de ce stakeholder dialogue sont bien d’accord : ils y travaillent. C’est important d’expliquer que la présidence belge a pour mission de coordonner et faciliter les compromis, pas de décider à la place des autres Etats membres. Il faut surtout viser la cohérence : que les décisions s’emboîtent de manière efficace dans l’agenda.

Roland Moreau qui avait lancé cette dynamique du CCPIE en 1995, est ravi de voir comme la Présidence belge est bien préparée. Modifier le business as usual ne peut se faire que si le message est suffisamment commun. D’où l’importance de cette gouvernance participative !

Compte-rendu d’Antoinette Brouyaux