Le 8 décembre, le forum bisannuel de Reset Vlaanderen était consacré à la Transition Juste. Tout le monde s’empare de ce concept, mais on peut l’entendre de différentes manières. Ce forum est un carrefour où se rencontrent des acteurs de différents domaines. Reset Vlaanderen propose donc à ses membres de s’accorder là-dessus, pour que leurs actions respectives se renforcent.

Pour assurer une transition juste vers une société plus durable, il faut assurer une vraie égalité des chances, et donc aider plus les plus vulnérables. Il faut aussi rendre la transition juste plus compréhensible et tangible, car tout le monde est concerné.

Quels sont nos indicateurs ? Comment organiser un rapportage de la Transition Juste par la société civile ? Il n’est pas certain qu’on aura les moyens de le faire mais explorer ces questions est utile aussi pour suivre – voire coconstruire – le rapportage assuré par les pouvoirs publics.

Comme les Etats-Généraux de la Transition Juste sont une initiative de la ministre fédérale Zakia Khattabi, c’est intéressant pour nous, francophones, d’être en dialogue avec nos partenaires flamands sur le sujet.

Matthijs Van Marcke du cabinet Khattabi présente les Etats Généraux de la Transition Juste qui aboutiront à la Conférence Nationale :  c’est donc un processus avec toutes les parties prenantes, pas un événement one-shot. Le but est d’aboutir à des résultats concrets, avant les élections de 2024… Et la Présidence Belge de l’UE, dont la Transition Juste sera le thème. L’ambition est qu’elle devienne une stratégie prioritaire de l’UE.

Baromètre Passage du Bourg l’Abbé Paris

Tim Goedemé, de l’UAntwerpen, fait partie du Haut comité pour la Transition Juste. Il explique l’intérêt d’un « baromètre de la Transition Juste » :  un bon indicateur est ce qu’on peut observer collectivement, qu’un individu ne voit pas. Par exemple, la pauvreté augmente. Cela peut être dû à différentes raisons. C’est en les mettant toutes ensemble qu’on y voit clair. Il s’agit aussi de se rendre compte des évolutions. De se baser sur des faits et non des perceptions subjectives. Et que l’opinion publique puisse s’approprier les indications. Enfin, un bon baromètre doit permettre de nous guider: montrer les étapes franchies, les progrès et les reculs, où il faut faire des efforts supplémentaires, et voir quelles actions ont le plus grand impact.

Le rôle de veille des associations se base déjà sur différents rapports et outils d’analyse comme le Donut. En lien avec les ODD, Perspective 2030, plateforme nationale de syndicats et associations, avait publié en 2019 Mind the gap, sorte de « shadow report ». Un moniteur de la transition juste a déjà été fait dans d’autres pays. Une référence en la matière : les principes de Bellagio.

Pour Associations 21, s’immerger dans les indicateurs et les baromètres, peut nous permettre d’appréhender de façon éclairée voire critique les rapports faits par des instances publiques : ex. le rapport 2022 du Bureau du Plan, Plus que huit ans pour réaliser les SDG ; ou le Bilan des progrès de la Wallonie sur la voie du développement durable, réalisé tous les 3 ans. Nous invitons justement Patricia Delbaere du Bureau du Plan et Valentine van Gameren de la Direction Développement Durable du SPW pour en parler lors d’un « petit déjeuner thématique » en visio le mardi 10 janvier 2023 de 9h à 10h15, histoire de Bien commencer l’année sur la voie des ODD.

Lors du forum du 8 décembre, nous nous sommes ensuite répartis en 4 sous-groupes, pour partager nos suggestions d’indicateurs, ou à tout le moins les questions qu’il nous semble utile de poser pour parvenir à une image globale des réalités et évolutions de ces secteurs et de leurs interactions  : économie circulaire et emploi, finances et fiscalité, assise démocratique et inclusion, et énergie & Habitat.

Dans le groupe Energie et habitat, nous avons d’abord échangé sur les informations recherchées : de quoi charpenter nos recommandations aux responsables politiques, vérifier si les mesures prises ont un effet multiplicateur, ce qui permet de réduire la précarité énergétique sans effet Mathieu (souvent pointé à propos des primes…) Ainsi, les gens ont besoin de pouvoir mesurer leurs économies d’énergie. La technologie le permet avec les compteurs intelligents, mais ceux-ci sont décriés à cause de possibles contrôles par des tiers.

Est-il possible de corriger l’impact social de la taxe carbone, comment rendre l’énergie citoyenne plus abordable, quel serait l’impact d’un élargissement du tarif social, comment réduire le non recours aux droits, quels sont les problèmes spécifiques et le potentiel des actions de rénovation collectives ? Existe-t-il un indicateur d’économie circulaire, permettant de vérifier dans quelle mesure les matériaux déjà utilisés sont recyclables et effectivement recyclés ? Autant de questions également débattues entre les associations francophones. Mais en effet, il nous manque des données.

Une question plus émergente mais susceptible de faire couler beaucoup d’encre : la capacité du secteur de la construction de changer d’échelle dans l’isolation du bâti existant, avec en parallèle, l’évolution de l’enseignement et de la formation dans ce secteur. N’y a-t-il pas déjà un déséquilibre entre l’offre et la demande ? Et des pénuries de main d’œuvre et de ressources ? Avec quelles conséquences concrètes ? Travaux mal faits de sorte que l’isolation est inefficace, litiges, maîtres d’ouvrage désemparés cherchant de l’aide… Y en a-t-il plus qu’avant ? Où le vérifier ?

Associations 21 amène également ceci: que fait-on des bâtiments vides pour éviter l’artificialisation des terres ? Comment mesure-ton l’échelle de l’adaptation/rénovation des bâtiments vides ? A l’inverse, sur quelle base décide-t-on de ne pas réhabiliter le bâti existant en zone inondable ?

Et finalement, à travers tout cela, dans quelle mesure se rapproche-t-on réellement des objectifs climatiques ?

3 grandes préoccupations émergent de ce brainstorming :

  • La mesure de l’effectivité d’une politique
  • Les obstacles à la rénovation
  • Vers qui va l’argent, le focus social

Notre lecture des baromètres publics pointera quelles données sont disponibles ou non, quels indicateurs les pouvoirs publics utilisent dans nos domaines d’intérêt, leur fiabilité, et quels problèmes ils cachent ou laissent apparaître. Sans oublier les comparaisons avec des pratiques éclairantes dans d’autres pays. Ainsi, aux Pays-Bas, les autorités font plus de choix pour les gens, à l’échelle des quartiers, qu’en Belgique où l’individualisme règne encore en maître…

En conclusion, un exercice bienvenu pour partager nos expertises en ces temps où les urgences et les restrictions budgétaires nous cantonnent dans nos priorités alors que l’on a plus que jamais besoin de mutualiser nos travaux ! Merci Reset Vlaanderen pour l’invitation !