Ohé, marraine, tu m’entends ?
Je quitte Verviers, qui me fait toujours penser à toi, qui nous a quittés il y a une vingtaine d’années. J’ai été voir une exposition dans la gare, où la salle des guichets – les guichets ont été remplacés par des robots – va bientôt faire place à un restaurant. Dans l’interstice, la Task Force Vesdre y expose, jusqu’au 15 juillet, les travaux de 150 étudiantes et étudiants de l’ULiège, de l’ULB et de la KULeuven. Ces étudiant·es ont travaillé pendant un an sur l’adaptation du bassin de la Vesdre et ont proposé des projets pour différents points du territoire, sur base d’une coordination entre les trois universités.
Je rentre avec le train qui descend la vallée. C’est un bon poste d’observation. Petit à petit, on voit que les plaies se pansent. Il y a encore des traces, oui. Jeudi prochain, 14 juillet, il y aura une cérémonie de commémoration des victimes des inondations, à Chênée.
Cette année, il n’y a pas beaucoup d’eau dans la Vesdre. On en voit que mieux les enrochements pratiqués ici et là pour consolider ses berges. A part ça, la Wallonie lance un appel à projet pour renaturer les berges des cours d’eau ! Faire et défaire… Beaucoup de plantations d’arbres aussi, sont-ils arrosés ? Et encore des maisons cassées… Des affiches « à vendre »…
Ce que j’ai aimé dans l’expo, c’est le souffle d’espoir de cette jeune génération qui se forme à l’architecture et à l’urbanisme. Pas encore désabusée par les aléas des chantiers !
Il faut du temps pour entrer dans leur raisonnement. Des petits livrets accompagnent les cartes. J’ai toujours mieux compris les textes que les graphes. C’est copieux, généreux. Un habitant victime des inondations parcourt l’expo au pas de course. Pas le temps de tout regarder mais il est très concerné. Il faudra qu’il étudie tout cela à tête reposée. Il est vrai que les étudiants auraient pu se concerter en vue de cette expo, pour harmoniser les légendes et les codes couleurs.
Qu’importe : le geste compte beaucoup. Et ces phrases : « build back better », « reconstruction du récit », « Vert-viers jardin », « l’espace offert à l’eau n’est pas perdu, mais partagé »…
Et, tu sais Marraine, ce qui m’a fait le plus plaisir ? C’est de trouver, dans la contribution de l’ULB, la notion de « bassin versant solidaire » bien mise en avant : la solidarité de bassin versant, c’est pour moi le souvenir d’une aventure militante qui remonte à 2006, autour de la place Flagey. Sous la houlette de Dominique Nalpas, on avait monté à La Cambre l’expo « Open source ». J’y présentais « les citerneux »… De là sont nés les Etats Généraux de l’Eau à Bruxelles, puis Brusseau, financement co-create d’Innoviris… Une belle contribution bruxelloise pour l’avenir du bassin versant de la Vesdre !
Qu’est-ce que tu aurais dit de tout cela, toi, Marraine ? Tu n’aurais pas été inondée, ta rue était dans la montée. Mais indignée et solidaire, tu l’aurais été, sûrement ! Et nous, après l’indignation, qu’est-ce qu’on fait ?
Karel Wuytack, de la Task Force Vesdre, nous avait expliqué, le 17 juin dernier, le cheminement de la pensée qui a guidé ces travaux : « Nous, après le déluge », « Après nous le déluge », ou bien « Nous, auprès du déluge » ? C’est bien sûr la troisième option qui a été retenue.
L’expo est encore visible gratuitement jusqu’au 15/07, de 14h à 18h. Et facile d’accès !