Nos homologues flamands, Reset Vlaanderen, publient un magazine consacré à l’habitat, qui rassemble des témoignages d’acteurs conjuguant le social et l’environnement. C’est exactement l’objet du GT Logement d’Associations 21. C’est pourquoi ces témoignages nous interpellent : quelques extraits choisis dans cette traduction synthétique, pour vous en montrer l’intérêt ! Les phrases en italique sont de notre rédaction.

Le court terme coûte trop cher à long terme !

Vanya Verschoore qui coordonne Reset Vlaanderen, constate que les politiques consistant à remettre sans cesse à plus tard les solutions à long terme et bricolant des mesures à court terme, créent de véritables désastres humains. Reset Vlaanderen plaide pour lancer des processus sectoriels MAINTENANT pour rendre possible une transition équitable. Travailleurs, employeurs, gouvernements et groupes d’intérêt doivent entamer dès à présent des démarches communes pour rendre leur secteur soutenable. Vanya salue les gouvernements et administrations qui s’y mettent. Ainsi, la ministre Khattabi a lancé un partenariat pour une Transition Juste, dans lequel Reset Vlaanderen s’implique de manière critique mais constructive, sur base de l’expérience de son réseau. Sans attendre, des trajectoires concrets se mettent en place : dans l’industrie, le logement et la gestion de la controverse sur la durabilité de la consommation de viande.

Le manque de logements abordables inquiète beaucoup la société civile. Or dans ce domaine, on compte pas mal d’expertises et de projets pilotes inspirants : à faire connaître !

Le code flamand du logement est pourtant clair…

Tout le monde doit avoir accès à un logement adapté, de bonne qualité, dans un cadre de vie décent, à un prix abordable et sûr. Mais parce qu’il y a plus de demandes que d’offres de logements à prix modéré, le déséquilibre est flagrant entre le prix et la qualité des logements. En Flandres, 170 000 personnes sont sur une liste d’attente pour un logement social. Un peu moins de la moitié des logements existants n’obtient pas un score suffisant en termes de qualité et d’efficacité. 4 % des ménages flamands sont des acheteurs en difficulté. Vu les loyers élevés, beaucoup de personnes en manque de logement cherchent en effet à acheter, et leurs maigres moyens les contraignent à acheter des logements de mauvaise qualité.

Comment en est-on arrivé là ? Après la seconde guerre mondiale, l’acquisitif figurait en tête des priorités, au détriment du logement social. La politique néolibérale qui s’en est suivie a accentué cette tendance : il n’y a plus assez de logements abordables, d’où le déséquilibre entre le prix et la qualité de ceux-ci.

L’Affaire Climat fait des petits !

Dans ce contexte, fin 2021, De Woonzaak, une initiative de plusieurs organisations inspirée de la Klimaatzaak, a porté plainte contre la politique flamande du logement auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe. Celui-ci a jugé la plainte recevable et sommé le gouvernement flamand de répondre avant le 15 septembre, délai reporté au 15 octobre.

De Woonzaak plaide pour une politique du logement plus équitable. Le gouvernement doit pouvoir intervenir activement dans le marché locatif privé. En Flandres, la moitié des maisons ont été construites avant 1980. Leurs performances énergétiques sont mauvaises (idem en Wallonie et à Bxl !). C’est pourquoi, en Belgique, les bâtiments, le chauffage et à présent aussi le refroidissement, représentent 20 % des émissions de CO2.

L’enjeu d’une vision commune entre acteurs sociaux et environnementaux

Or le social et l’écologie se rejoignent : une maison bien isolée permet de réduire les factures d’énergie ! C’est pourquoi Reset Vlaanderen et SAM (Steunpunt Mens en Samenleving) pointent le rôle du travail social dans la transition vers une durabilité équitable. Les personnes vivant dans la pauvreté sont encore plus touchées par la crise écologique. Et dans les mesures gouvernementales visant à lutter contre le changement climatique et la pollution environnementale, les groupes vulnérables sont laissés de côté. Il faut donc construire une vision commune entre services sociaux et experts de l’environnement (on y travaille aussi du côté francophone !)

Réhabiliter le bâti existant, sans coûts exorbitants

Het Pandschap, coopérative à finalité sociale, rénove des logements de propriétaires privés avec la condition que le loyer ensuite soit modéré. Il y a donc des similitudes avec des agences immobilières sociales, la différence étant la structure juridique de base, ici aux mains d’experts privés de la construction, soucieux de justice sociale (côté FR on peut citer une société comparable, Inclusio).

“Organiser une rénovation est extrêmement complexe, et se fait toujours de manière traditionnelle, ce que nous ne devrions vraiment plus tolérer en 2022”, dit Bert Van den Broele. Il compare la rénovation avec l’achat d’une chaussure : imaginez que vous cherchez un bon cordonnier. On vous répond : « Oui, je connais quelqu’un qui vend de bonnes semelles. Pour les lacets et la tige (toute la partie supérieure de la chaussure), vous devrez trouver quelqu’un d’autre ». Ensuite, vous allez voir la personne qui s’occupe de la tige. Elle vous dit : “Oui, je peux faire votre chaussure, mais je ne suis pas en mesure de vous donner un prix. J’ai bien le prix du cuir mais les honoraires sont à négocier ». Et quand cette tige sera-t-elle terminée ? « Je crains de ne pas avoir le temps de le faire cette année, ce sera sans doute pour l’an prochain”. Et à la fin, on paie 130 ou 150€ à la place de 100€… Et tout le monde trouve ça normal et l’accepte ! Dénonce Bert Van den Broele.

A contrario, Het Pandschap prend en charge toute la complexité de la rénovation, propose un service global et assume une part du risque. Le propriétaire ne doit pas demander de devis, n’a pas à comparer quoi que ce soit, ni à discuter avec les entrepreneurs ou assister à l’exécution. « Bien sûr, nous facturons des frais pour cela, mais personne ne nous a jamais dit que c’était trop cher ». Het Pandschap vise une rénovation de qualité mais sans dépenses excessives dans la finition, en s’attachant aux priorités. Est récupéré ce qui peut l’être. Ainsi, l’équipement des cuisines et des salles de bain (où s’effectuent en général le plus de marges), peut être démonté et stocké, ce qui a un coût. Donc ce faisant, on n’économise pas tellement, mais on atteint là un objectif d’économie circulaire. Plusieurs villes flamandes manifestent leur intérêt pour cette initiative. Mais ses membres ne veulent pas grandir trop vite. Ils prennent des risques, après tout…

Formes alternatives de logement temporaire

Stijn Beeckman, de SAAMO Brussel (qui s’appelait avant Samenlevingsopbouw) : “à Bruxelles, il y a 50.000 familles sur liste d’attente pour un logement social. Et 5000 personnes à la rue. A côté de cela, 35.000 appartements sont vides, il reste 400 Ha de réserve foncière et 2 à 4 million de m2 de bureaux vides ». S’ajoute un cercle vicieux : le déséquilibre entre offre et demande de logements à louer, fait monter les prix, ajoutant de nouveaux candidats aux listes d’attente pour un logement social.

Certes, il faut des solutions structurelles mais en attendant, de nouveaux modes d’habitat apportent des réponses : Stijn évoque le Community Land Trust de Gent et présente les Woonboxes. Au départ, un bâtiment d’Infrabel à Saint-Gilles faisait l’objet d’une occupation temporaire qui a dû être interrompue suite aux attentats de Bruxelles. SAAMO s’est alors intéressé au WTC, vide depuis 7 ans : 27 étages de 1500 m² ! Des modules en panneaux standards permettraient d’y créer des logements de 1, 2 et 3 pièces. Ce projet pilote s’est concrétisé dans un autre bâtiment de 6000 m², Cinoco à Molenbeek, avec 8 appartements. Loyer demandé : 250 à 450€. Des baux de 3 ans sont assortis d’un accompagnement social. Ces modules constituent des « hameaux temporaires” qui peuvent également abriter des familles dont le logement est en cours de rénovation (un peu comme ce qui s’est fait à Chaudfontaine suite aux inondations, mais là les bungalows étaient à l’air libre). Le reste du bâtiment est dédié à des activités socio-culturelles, avec lesquelles des liens s’établissent.

Et les 400 Ha de terrains vides? En été, les résidents de maisons d’accueil préfèrent souvent camper sous tente. D’où l’idée de 8 modules mobiles conçus en collaboration avec des doctorants en architecture de la KULeuven et la société BC Architects. La cocréation est centrale dans ce projet…

Collectief Goed

Cette initiative est née du constat qu’il n’y a pas d’offre de logements sociaux pour les familles de plus de 3 enfants. Le projet visait tout d’abord à leur permettre d’occuper temporairement des logements sociaux en attente de rénovation, et d’ensuite leur proposer des solutions à long terme dans une coopérative dont les futurs habitants sont membres. Chaque famille achète 2 parts. Ces futurs habitants sont impliqués dans la rénovation et l’entretien, notamment des jardins. Collectief Goed a noué des partenariats avec une société de logement sociale et un CPAS.

En cherchant des solutions temporaires, Collectief Goed a trouvé à Anvers de nombreux logements sociaux vacants, en attente de rénovation ou de démolition, et par ailleurs de nombreux jeunes sans-abri. D’où l’idée d’utiliser le droit au logement comme un tremplin pour ces jeunes. A Merksem et à Wilrijk, avec quelques partenaires, Collectief Goed réalise des petits travaux de rénovation et l’ameublement des maisons afin que les jeunes puissent s’y installer. Depuis début 2018, 62 résidents ont été accueillis, pour une durée d’un an en vue d’une vie indépendante. – Sounia Agourram, de SAAMO Antwerpen : “Au fil de cette année, ils peuvent se détendre et participer à des échanges informels ou des formations. Des volontaires les aident à trouver un logement plus pérenne. C’est là qu’on se confronte aux impacts de la crise du logement : discriminations liées aux revenus, aux origines, au genre… ».

Et kwè, côté francophone ?

On s’active aussi ! Sous d’autres formes de coalitions et initiatives :

  • En Région Liégeoise, une mobilisation suite aux inondations a permis, début 2022, de mettre en réseau des acteurs sociaux et environnementaux. Les échanges se poursuivent, un débat participatif se prépare sur le thème « Logement contre nature ? » Comment allier le droit au logement et la protection des espaces verts ? » Notez déjà la date : samedi 5 novembre après-midi.
  • Le GT Logement d’Associations 21 réunit les avis des acteurs sociaux et environnementaux sur les tensions entre le social et l’écologie dans le domaine de l’habitat, en vue d’accorder les plaidoyers ou de mener des actions conjointes. Votre avis nous intéresse.

Vous souhaitez en savoir plus sur ces activités ou vous joindre à nous ? N’hésitez pas à nous contacter !