Le 21 septembre 2020, le forum associatif Durabilité et Pauvreté s’est déroulé, sous le soleil, avec 86 personnes, en chair et en os, dans le  vaste site de See-U à Ixelles. Nous y étions ainsi bien à l’aise pour respecter les distances physiques requises, conformément aux règles Covid.

Les associations à la manœuvre, ATD-Quart-Monde, le Mouvement Luttes Solidarités Travail et Associations 21, coupole d’associations pour le développement durable, souhaitaient ainsi revenir sur le Rapport Durabilité et pauvreté, publié le 11 décembre 2019 par le Service Interfédéral de Lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale (SLP). Ce rapport bisannuel est le fruit d’une concertation approfondie avec le Collectif des associations partenaires du Rapport Général sur la pauvreté. Celles-ci avaient fixé ce forum initialement le 12 mars 2020 pour présenter ce rapport avec leur angle d’approche spécifique d’organisations dans lesquelles les pauvres se rassemblent. Finalement, cette présentation a eu lieu le 21 septembre.

Qu’en retenons-nous ?
Comme l’a expliqué Olivier De Schutter, qui était notre rapporteur :

1/ Il est temps d’aller au-delà de politiques de lutte contre la pauvreté qui cherchent à compenser, par des politiques sociales généreuses, les impacts d’un marché excluant. Il faut évidemment des politiques sociales généreuses qui redistribuent. Mais il faut surtout que le marché arrête d’exclure, qu’il soit beaucoup plus inclusif.

2/ Il s’agit de reconnaitre les talents, les compétences, les apports potentiels à la société de chaque individu, homme ou femme. On entend souvent parler de l’expérience française des Territoires zéro chômeur de longue durée. L’atelier travail-économie a relevé un point d’attention important pour une éventuelle mise en oeuvre en Belgique: chaque personne peut travailler, à condition que l’on réfléchisse avec elle à la meilleure façon dont elle peut contribuer. Ce n’est pas le marché de l’emploi ou les responsables politiques, qui doivent définir les compétences attendues de ces personnes. L’adéquation aux besoins des territoires doit se faire avec elles, en leur laissant le temps de s’adapter pour pouvoir redécouvrir elles-mêmes leurs propres compétences. D’où l’importance de partir de ce qui existe, des initiatives locales où le travail a un sens et où ces personnes, respectées, parviennent à s’épanouir.

3/ Nous devons passer d’une approche fondée sur la charité où des gens doivent mendier pour parvenir à satisfaire leurs besoins, à une approche fondée sur les droits. Ceux-ci permettent d’égaliser les rapports de force, à condition que les ayants droit soient en mesure de les faire valoir. Cela demande un effort de traduction mutuelle, entre personnes dans la pauvreté et juristes. Les procédures doivent être rendues moins complexes, et l’accès aux droits, automatisé autant que possible sans qu’il faille toujours apporter des preuves des besoins.

4/ On ne peut plus, comme on l’a fait dans les années 50 et 60, miser sur la croissance économique comme manière de redistribuer. Cela ne marche plus : la croissance économique a détruit les écosystèmes jusqu’à un point presque de non-retour. Les ressources sont épuisées, les territoires pollués, le climat déréglé. Et les conséquences écologiques touchent d’abord les plus précarisés, qui ont moins accès aux espaces verts, ont des logements plus petits, où ils subissent la précarité énergétique…

5/ Il faut désormais plus d’égalité, ce qui implique de limiter l’accumulation de richesses, notamment via la justice fiscale. Arrêtons de pointer la pauvreté comme le problème, c’est stigmatisant pour les pauvres. Le problème, avant tout, c’est l’extrême richesse ! Dans une société garantissant plus d’égalité, il faut moins de croissance pour réduire la pauvreté. Toute richesse créée est plus équitablement distribuée. Les ressources dont nous disposons sont mieux utilisées pour répondre aux besoins essentiels qui ne sont pas satisfaits, au lieu de satisfaire des besoins de luxe.

Ceci nous rappelle cette phrase de Gandhi : « Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité ». Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi, pour ce forum, la date du 21 septembre : c’est la journée internationale de la Paix. Comme l’a rappelé Vanessa Joos d’ATD Quart-Monde en conclusion de la journée, la grande pauvreté qui dure est une grande violence faites à des milliers de personnes. La dégradation de notre environnement constitue une autre grande violence.

Tout cela met plein de gens en colère, et si les bonnes réponses se font attendre, ils risquent de réagir à leur tour de façon violente. Il ne peut y avoir de vraie paix, sans justice et sans dialogue, et sans respect et lien profond avec la nature dont nous faisons partie.

C’est une invitation à plus de solidarité entre nous, le nouveau thème de travail de la Concertation organisée par le Service de Lutte contre la pauvreté pour le prochain rapport.

Rapports des ateliers thématiques

  1. Logement
  2. Alimentation
  3. Energie
  4. Travail, économie
  5. Santé, nature

Ateliers stratégiques

A/ L’approche “droits humains” du Service de Lutte contre la pauvreté – Le Rapport Durabilité et Pauvreté se réfère au droit dans chaque chapitre, surtout dans celui consacré à l’effectivité des droits (p. 78-80). Compte-rendu de l’atelier.

B/ Agenda 2030: pourquoi se projeter dans le futur? Cf Rapport Durabilité et Pauvreté p. 6-7, les objectifs à long terme sont peu parlants voire choquants pour les personnes confrontées à la pauvreté au quotidien. Compte-rendu de l’atelier.

C/ Pour un 18ème ODD, “l’éradication de l’extrême richesse”? Suggestion reprise en p. 9 du Rapport Durabilité et Pauvreté, qui rappelle la théorie du “donut” de Kate Raworth, popularisée par Oxfam. Compte-rendu de l’atelier.

D/ Les politiques régionales sont-elles assez systémiques? Compte-rendu de l’atelier.

E/ Comment rendre la société plus durable, du point de vue des plus pauvres? Compte-rendu de l’atelier.

F/ Renforcer les revendications sociales avec des arguments environnementaux (et vice-versa). Exemple: l’individualisation des droits est une revendication sociale qui présente aussi des avantages écologiques! Compte-rendu de l’atelier.

Conclusions

En fin de journée, les conclusions des ateliers formulées sur des flipcharts ont été remises à Henk Van Hootegem, responsable du Service Interfédéral de Lutte contre la Pauvreté. Vous en retrouverez la transcription dans les rapports d’ateliers.

Ci-contre la figure que nous avons tracée à la fin du forum avec les participants pour représenter le sigle de la paix sur le vélodrome de See-U!

Le forum était coordonné par: Associations 21, Antoinette Brouyaux c/o Mundo-B, Rue d’Edimbourg 26, 1050 Bruxelles. Tél 02/893.09.40 – https://www.associations21.org/

Echos des partenaires:

Echos du réseau: article de Cécile de Schoutheete, IEW

Rapport final du Forum

Avec le soutien de l’Institut Fédéral pour le Développement Durable (IFDD), du Service Interfédéral de Lutte contre la Pauvreté (SLP), de la Direction Développement Durable du Service Public de Wallonie, de Bruxelles Environnement et de la Commission Communautaire Française de la RBC.

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